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Sea, sun et spa en Grèce, un retour aux sources

Sea, sun et spa en Grèce, un retour aux sources

Hercule y aurait repris des forces durant ses douze travaux, Hippocrate en vantait les bienfaits. Les adorateurs des centaines de sources chaudes qui jaillissent en Grèce s'appellent aujourd'hui Evangelos ou Stelios, convaincus des vertus de leurs ablutions régulières.

Evangelos Kiriazis n'a pas vu un médecin depuis longtemps. Torse bombé, teint hâlé, le sexagénaire a sa propre recette pour "détoxiquer l'organisme, réguler la tension, dilater les vaisseaux, détendre les muscles, oxygéner le corps, ouvrir les poumons, renforcer les os, apaiser le système nerveux". Et même "blanchir les dents".

La potion magique surgit d'une montagne du centre de la Grèce, près de la ville de Thermopyles, dévale la roche, s'assagit de vasque en vasque et file vers la mer en laissant une odeur de soufre qui pique le nez et des nuages de vapeur qui jouent dans les rayons du soleil.

Evangelos s'est autoprescrit "300 bains par an d'une demi-heure chacun" dans cette eau entre 30 et 40 degrés.

Il n'est pas le seul. En ce tiède matin de mars barbotent Stelios Ioannidou, 71 ans, fidèle des lieux "depuis trente ans" ; Paraskevi, qui vient y soigner ses rhumatismes ; un jeune couple en vacances et Alfred Weigel, retraité du sud de l'Allemagne, Mecque du thermalisme européen, qui ne jure pourtant que par Thermopyles.

"La source a soigné mes douleurs de genoux et d'épaule. Ici c'est plus naturel qu'en Allemagne".

Un naturel qui flirte ici avec le négligé.

Pour atteindre les lieux, il faut passer une station service abandonnée, détecter un fléchage quasi subliminal, ignorer quelques détritus, un hôtel fermé depuis 20 ans, enfiler son maillot dans sa voiture et franchir une palette de bois branlante pour accéder à l'eau. Contrepartie : le site est totalement gratuit, accessible à n'importe quelle heure.

Mais aucun panneau n'explique que la source de Thermopyles (littéralement "portes de la chaleur") est l'une des plus anciennes citées par les historiens de l'antiquité, que la mythologie y situe les bains régénérateurs d'Hercule au fil de ses douze travaux, ou que s'y est déroulée une bataille héroïque, en 480 av-JC, des soldats grecs contre les Perses de Xerxès 1er.

"Nous avons un produit exceptionnel mais il est mal exploité", regrette Markos Danas, secrétaire général de l'Union des villes thermales grecques.

Car Thermopyles n'est pas un cas unique. L'activité tectonique et volcanique de la Grèce a doté le pays de quelque 700 sources chaudes à vertus curatives, du fait de leur composition en minéraux.

Une petite centaine accueillent des visiteurs. Beaucoup sont en accès libre en pleine nature ou aménagées au minimum, même sur des îles stars du tourisme comme Santorin, Kos ou Mylos où elles sont surtout fréquentées par la population locale.

Moins de dix offrent une infrastructure thérapeutique et touristique de bon niveau, observe Markos Danas. "La gestion communale qui prévaut depuis des années limite les capacités de développement", estime-t-il.

Le temps n'a pourtant pas manqué pour se développer: "la Grèce a inventé le thermalisme il y a des milliers d'années. Avant Jésus-Christ, les sources étaient déjà des lieux de rendez-vous à vocation autant médicale que sociale et religieuse, explique Zisis Aggelidis, professeur d'hydrogéologie à l'Université de Thessalonique. Hippocrate (460-377 av-JC) père de la médecine moderne, été le premier à étudier scientifiquement les vertus de l'hydrothérapie".

L'époque moderne a vu naître quelques villes de cure réputées comme Loutraki, près de Corinthe, ou Edipsos sur la presqu'île d'Eubée dont les eaux sont réputées avoir soigné le général romain Sylla, selon les écrits de Plutarque.

Las, depuis cinq ans, la crise économique a vu s'effondrer le nombre de curistes, notamment parce que les séjours ne sont plus plus pris en charge par l'assurance maladie. Une étude pour l'Union des villes thermales a montré une chute de moitié de la fréquentation payante depuis 2009.

Pour attirer les investisseurs, les communes tablent désormais sur une récente directive européenne autorisant le remboursement des cures à l'étranger. Plusieurs sources thermales grecques ont été mises en vente dans le cadre du vaste programme de privatisations auquel le pays s'est engagé vis-à-vis de ses créanciers.

Lors du premier appel d'offres, aucun candidat n'a manifesté son intérêt pour celle de Thermopyles. Un peu de répit pour les bains gratuits d'Evangelos et les autres.

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