Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

Les Ukrainiens de Russie otages du conflit entre Moscou et Kiev

Les Ukrainiens de Russie otages du conflit entre Moscou et Kiev

Minorité quasi invisible jusque-là, les Ukrainiens de Russie se retrouvent plongés au coeur du conflit entre Kiev et Moscou et ceux d'entre eux qui ont la double culture sont écartelés entre deux visions devenues irréconciliables.

"La situation est tragique. Ma vie est divisée en deux, je ne peux pas choisir entre mes deux yeux", explique à l'AFP Nina Kibrik, née à Moscou mais qui revendique fièrement ses origines ukrainiennes.

Le conflit, latent entre les Ukrainiens pro-européens et les pro-russes, a été exacerbé par le renversement du président pro-Moscou Viktor Ianoukovitch et l'absorption de la Crimée par la Russie en mars.

"Les gens se déchirent (...) Il y a une guerre civile dans les têtes. Il ne reste que la prière", se lamente Mme Kibrik, qui se demande si elle va pouvoir continuer à organiser son festival artistique annuel à Poutyvl, dans l'Est de l'Ukraine, dédié aux cultures slaves.

Quant au rattachement de la Crimée à la Russie, "nous comprenons que c'était une action préparée à l'avance par le gouvernement russe, ce référendum n'est pas clair", estime Leontiï, un retraité de 82 ans, qui ne donne pas son nom de famille.

"Je suis très préoccupé par ce que fait le gouvernement, des amis russes aussi, mais nous ne pouvons rien faire", soupire le vieil homme, né dans l'Est russophone de l'Ukraine.

Au nombre de deux millions, les Ukrainiens sont la deuxième minorité en Russie derrière les Tatars. S'y ajoutent environ 3 millions de citoyens ukrainiens venus travailler en Russie.

Depuis le début de l'année, à mesure que le fossé entre les nouvelles autorités de Kiev et le Kremlin s'est creusé, l'attitude des Russes envers l'Ukraine s'est détériorée. Ils étaient 37% à avoir une mauvaise opinion du pays voisin fin mars, contre 26% en janvier, selon un sondage du centre indépendant Levada.

"Il y a un sentiment de grande inquiétude" chez les Ukrainiens, dit Igor Rozdoboudko, responsable du site internet indépendant de la diaspora, Kobza. "On injecte ces derniers temps dans la société russe un sentiment anti-ukrainien", souligne M. Rosdoboudko.

"Malheureusement, cette propagande anti-ukrainienne s'implante de plus en plus dans la population russe. Etre un patriote ukrainien revient désormais à être un ennemi de la Russie", ajoute-t-il.

Alexeï Grigorievitch, un responsable du Conseil des Ukrainiens, pro-Kremlin, estime au contraire qu'"il n'y a pas de risque de tensions entre les Russes et les Ukrainiens, ni entre les Russes et les migrants s'il n'y a pas de manifestation d'extrémisme".

"La grande majorité des Russes ont une attitude bienveillante envers les Ukrainiens", assure-t-il.

"Nous ne nous attendons pas à des incidents" liés à un sentiment anti-ukrainien. "Comment des nationalistes agressifs pourraient-ils identifier des Ukrainiens, les différencier des Russes?", estime de son côté Alexandre Verkhovski, directeur du centre Sova qui étudie le nationalisme et la xénophobie.

Dmitri Orechkine, analyste indépendant, ne croit pas non plus pour l'instant à des mesures discriminatoires contre les Ukrainiens de Russie de la part des autorités russes, comme cela avait été le cas envers les Géorgiens lors de la guerre avec la Géorgie en 2008.

"Pendant la guerre, on voyait en eux des ennemis parce que toute la Géorgie était pour Saakachvili, mais l'Ukraine est un pays divisé. Et notre pouvoir veut jouer là-dessus. C'est pourquoi je ne prévois pas de sanctions contre les Ukrainiens", dit-il.

La crise suscite en réaction un sentiment accru d'appartenance à la diaspora.

"Je ne me suis jamais senti aussi Ukrainien que maintenant, même si ethniquement je suis en partie russe", souligne un jeune homme ukraino-britannique qui travaille dans une société internationale à Moscou, et ne souhaite pas donner son nom.

Arrivant à l'aéroport de Cheremetievo de Moscou, une mère de famille ukrainienne vivant au sud de la capitale russe descend de l'avion dans une tenue aux couleurs du drapeau ukrainien comme en signe de défi : pull jaune et veste bleue, avec les ongles vernis aux deux couleurs.

or-lgo/lpt/mr

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.