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Chine: un milliardaire lance son musée, polémique sur un "faux" supposé

Chine: un milliardaire lance son musée, polémique sur un "faux" supposé

Déjà fondateur de deux musées, le milliardaire Liu Yiqian se verrait bien en Getty ou Guggenheim chinois, mais une querelle d'experts sur l'authenticité d'un rouleau calligraphié, qui lui a coûté des millions d'euros, menace son legs artistique.

L'oeuvre, neuf idéogrammes chinois à l'encre noire signifiant "Su Shi fait ses adieux respectueux à Gong Fu, gentilhomme conseiller à la cour", est le clou de l'exposition inaugurale du Long Museum West Bund, à Shanghaï.

La calligraphie du "Gong Fu Tie" ne mesure que 28 centimètres de haut sur 10 de large, mais Liu a déboursé six millions d'euros pour l'acquérir lors d'une vente aux enchères de Sotheby's à New York, en septembre dernier.

Chauffeur de taxi entré dans la finance, Liu Yiqian fait partie de ces richissimes Chinois qui parcourent les salles du vente du monde entier, font grimper les prix, et bâtissent maintenant des musées pour leurs collections.

"Comme les Getty, les Guggenheim, les Whitney, il y a une longue histoire de musées en Occident et sans doute maintenant en Chine, de collectionneurs cherchant à se faire un nom et à entrer dans l'histoire", explique Clare Jacobson, auteur de "Nouveaux musées en Chine".

Mais trois experts reconnus du musée public de Shanghai ont gâché l'inauguration du Long Museum, en dénonçant récemment l'oeuvre comme un faux.

Après la vente de Sotheby's, les trois experts --Shan Guolin, Zhong Yinlan et Ling Lizhong-- ont affirmé qu'il s'agissait d'une copie bien plus tardive. Le poète Su Shi est l'un des quatre calligraphes les plus fameux de la dynastie des Song (960-1279).

"L'identification visuelle traditionnelle suffit à constater que le 'Gong Fu Tie' de Sotheby's est un faux", avancent-ils dans un article cosigné. Selon eux, certains traits de pinceau "maladroits" jurent avec le style de l'artiste.

Ils ont décliné tout commentaire à l'AFP.

Dans le monde de l'art et de l'argent, certains suggèrent que les musées officiels chinois n'apprécient guère la concurrence des musées privés. Des rumeurs, démenties dans les médias, affirment que le rouleau serait un jour passé entre les mains du musée de Shanghai.

Liu continue de revendiquer l'authenticité du rouleau, de même que Sotheby's. Comme sa concurrente Christie's, la maison de vente courtise les investisseurs asiatiques, la Chine faisant désormais partie des premiers marchés de l'art.

"C'est une bonne chose: le débat sur l'authenticité du Gong Fu Tie permet de rétablir la vérité historique", a déclaré Liu à un média d'État, avant de confier que la controverse l'avait épuisé physiquement et mentalement.

Le magnat a décliné un entretien à l'AFP, expliquant qu'il était mécontent d'une série d'articles du New York Times l'an dernier qui dénonçaient les innombrables faux du marché de l'art chinois et ses prix excessifs. Liu y était cité comme un "nouveau collectionneur".

Âgé de 50 ans, Liu Yiqian a fait fortune en spéculant à la jeune bourse de Shanghai dans les années 1990. Il est aujourd'hui à la tête d'un énorme conglomérat industriel. Sa fortune est estimée à 1,2 milliard d'euros.

Il est l'un de ces quelques collectionneurs chinois qui font les gros titres et se vantent de rapatrier le patrimoine national.

Mais en Chine, ils sont aussi accusés de "flamber" et de plastronner. Certains ont ainsi questionné les motivations du magnat de l'immobilier Huang Nubo, qui a déboursé 1,2 million d'euros pour sept colonnes de marbre de l'ancien Palais d'été de Pékin, qui seront exposées à l'Université de Pékin.

"La récupération des reliques devrait être de la responsabilité de l'État. Cela devrait passer par la voie judiciaire, sans rien payer", a défendu Yao Le, chercheur à l'Académie des sciences sociales du Jiangsu, dans le quotidien officiel Global Times.

Autre riche amateur, Wang Jianlin était tombé sous le feu des critiques lorsque son entreprise avait déboursé 20 millions d'euros pour acquérir un Picasso. L'argent aurait mieux servi à aider les pauvres, arguaient ses détracteurs.

Le rouleau à l'origine de la querelle actuelle est exposé derrière une vitrine, dans une salle qui lui est consacrée au sous-sol du nouveau bâtiment.

Sur un petit panneau, on peut lire: "Su Shi : Son coup de pinceau est rond, riche, et connaît de nombreuses variations, quoique emprunt d'une touche d'innocence et de brillant".

Le jour de l'ouverture, une visiteuse entre deux âges peinait à lire le rouleau écrit en chinois classique, avec des caractères traditionnels, simplifiés après l'arrivée au pouvoir des communistes en 1949.

"On ne comprend rien, regrette une femme entre deux âges. C'est trop compliqué pour qu'on apprécie."

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