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La campagne électorale afghane s'écrit aussi au Pakistan

La campagne électorale afghane s'écrit aussi au Pakistan

Banderoles, affiches d'aspirants présidents en turban, le regard tourné vers l'avenir: les élections afghanes de samedi font la fortune des imprimeurs au Pakistan, qui gardera un oeil attentif sur ce scrutin chez son voisin et pré carré stratégique.

Un vent échappé de la plaine poussiéreuse berce Peshawar, principale cité du nord-ouest pakistanais, et son quartier des imprimeurs de Mohallah Jangi, en surchauffe avant le vote en Afghanistan, à moins de 60 km de là.

De sa large imprimante nec plus ultra, Mohammad Sajid extirpe une banderole en plastique aux relents toxiques, sertie de slogans en persan et de la photo de Zalmai Rassoul, un des favoris de l'élection présidentielle de samedi avec Ashraf Ghani et Abdullah Abdullah.

"Nous croulons sous le travail. Un candidat local m'a même commandé 200.000 affiches", lance Mohammad dans sa boutique nichée à l'étage d'une cour grouillante.

Profitant de l'impression et de la main d'oeuvre moins chères et du transport facile, des candidats afghans en lice samedi ont choisi Peshawar pour faire imprimer leurs affiches.

"C'est une bonne saison pour nous", confirme Abdul Wahab, un publicitaire installé à Mohallah Jangi, en précisant que "c'est Zalmai Rassoul qui a passé le plus de commandes".

La Pakistan est depuis longtemps accusé d'ingérence chez son voisin afghan, au nom d'une politique de "profondeur stratégique" visant notamment à y contrer l'influence de l'Inde, son éternel rival.

Dans les années 1990, Islamabad a ainsi veillé à l'éclosion des islamistes talibans afghans, et fut l'un des seuls pays à reconnaître leur régime (1996-2001).

Bien que le Pakistan se soit rallié à Washington après les attentats du 11 septembre 2001, ses services secrets restent soupçonnés de rester proches des talibans, en partie réfugiés au Pakistan après leur chute.

Kaboul accuse régulièrement Islamabad d'être derrière de sanglantes attaques talibanes, comme celle de l'hôtel de luxe Serena de la capitale afghane le 20 mars (9 morts).

Lors de la présidentielle de 2009, des responsables pakistanais n'avaient toutefois pas caché leur soutien au sortant Karzaï, en dépit de ses saillies anti-pakistanaises régulières. Mais cette fois, Islamabad assure n'avoir aucune préférence.

Zalmai Rassoul est le "préféré de (Hamid) Karzaï" dont les relations avec le Pakistan sont orageuses; Abdullah Abdullah représente le nord afghan qui n'a historiquement pas de bonnes relations avec Islamabad, et Ashraf Ghani ne dispose pas de "connections" pakistanaises spéciales, souligne l'analyste pakistanais Imtiaz Gul.

Et l'issue incertaine du scrutin justifie encore davantage l'attentisme d'Islamabad, note-t-il.

Le Pakistan n'en demeure pas moins un acteur important du scrutin, ne serait-ce que parce que les talibans afghans ont juré de le faire dérailler.

Un élément du contexte pakistanais semble les avantager: le cessez-le-feu entre Islamabad et ses propres rebelles talibans, pakistanais, du TTP.

L'armée pakistanaise a ainsi arrêté de bombarder le Waziristan du Nord, principal quartier général du TTP, allié à Al-Qaïda, mais aussi base arrière du réseau Haqqani, une puissante branche des talibans afghans.

"Haqqani bénéficie du cessez-le-feu" qui lui donne "une plus grande marge de manoeuvre" pour préparer des attaques en Afghanistan, note l'ancien général pakistanais Talat Masood. Haqqani fait partie des principaux suspects de l'attaque du Serena.

Mais si une partie des services secrets pakistanais restent accusés de s'accrocher à la ligne pro-talibans, nombre d'observateurs au Pakistan s'accordent à dire que les temps ont changé.

Selon eux, Islamabad voudrait désormais éviter de voir l'Afghanistan replonger dans un chaos qui pourrait devenir contagieux, et pousserait les talibans afghans à se rallier à un processus de paix, ou du moins à rentrer dans le rang.

"La paix en Afghanistan est clairement dans notre intérêt", assure Tasnim Aslam, porte-parole du ministère des Affaires étrangères à Islamabad, en citant une autre raison: en cas de chaos, "une nouvelle vague de réfugiés déferlera sur le Pakistan et nous ne pouvons pas nous le permettre".

Le Pakistan compte encore au moins 1,6 million de réfugiés afghans enregistrés, comme Haji Jumaa Gul, qui vit à Jalala, à 50 km de la frontière, dans un "mini-Afghanistan" peuplé d'enfants rouquins et d'indémodables burqas azur.

Ce père "d'environ" 16 enfants, à la barbe noire fournie et au turban anthracite en est persuadé: "Si la situation se dégrade encore plus en Afghanistan, d'autres gens fuiront en Iran ou au Pakistan et deviendront des réfugiés comme nous". Avec le risque que cette fois les voisins soient beaucoup moins accueillants.

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