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Départ des soldats tchadiens: l'ONU les accuse d'un massacre, la rue soulagée

Départ des soldats tchadiens: l'ONU les accuse d'un massacre, la rue soulagée

La population de Bangui ne cachait pas sa satisfaction de voir se retirer de la force africaine en Centrafrique (Misca) l'armée tchadienne, que l'ONU a accusée vendredi d'avoir abattu la semaine dernière 30 personnes sans avoir été provoquée.

Escorté par des soldats français, burundais, rwandais et congolais de la Misca, un convoi d'une trentaine de véhicules transportant les 200 soldats tchadiens basés à Bangui a quitté la ville vendredi après-midi pour rejoindre de nouvelles positions en province, dans l'attente du retrait définitif du pays dont la date n'a pas été communiquée.

"Il ne restera pas un seul élément tchadien (...) dans Bangui" vendredi soir, a déclaré à l'AFP le commandant de la Misca, le général camerounais Martin Tumenta Chomu.

La polémique sur la tuerie du week-end dernier a enflé toute la semaine, avec des versions radicalement différentes.

Outre les 30 morts, 300 personnes avaient également été blessées samedi dernier par les tirs tchadiens à Bangui, selon un nouveau bilan de l'ONU vendredi.

Présentant les premiers résultats des enquêteurs des Nations unies sur la tuerie, un porte-parole du Haut-Commissariat de l'ONU aux droits de l'Homme, Rupert Colville, a directement accusé les Tchadiens: "ils ont illégitimement ouvert le feu sur la population. Les soldats ont tiré de façon indiscriminée".

La Misca, la France qui a déployé 2.000 soldats dans le pays, et le gouvernement centrafricain ont eux pointé du doigt les miliciens anti-balaka, qu'ils accusent d'avoir attaqué à la grenade le détachement tchadien.

Le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, a condamné de son côté des "atrocités épouvantables contre les civils", sans mentionner expressément ces tirs.

Comme son gouvernement, la présidente centraricaine Catherine Samba Panza a "regretté" la décision de N'Djamena de quitter la Misca.

"Nous allons examiner avec le Tchad et la Misca les conséquences de cette décision de manière apaisée et sereine", a-t-elle déclaré à des journalistes à Paris, en refusant de commenter les accusations de l'ONU.

Acteur-clé de la crise centrafricaine et incontournable puissance régionale, le Tchad, l'un des principaux contributeurs de la Misca (6.000 hommes au total), a annoncé jeudi le retrait de ses 850 soldats de Centrafrique, dénonçant une "campagne malveillante" à leur encontre.

Dans la population et la presse de Bangui, la satisfaction dominait, illustrant la défiance envers les voisins du Nord.

"Adieu les oppresseurs et les envahisseurs de la RCA à la solde d'Idriss Déby Itno", le président tchadien, titrait ainsi le quotidien Centrafric matin.

"C'est un grand ouf de soulagement (...) C'est le début de solution à la résolution de la crise centrafricaine", affirme un étudiant, Richard Balawa.

Agathe Mandéno, cadre de la Santé, estime que le Tchad a joué un grand rôle dans la descente aux enfers de son pays: "notre pays est aujourd'hui dans cette situation à cause des Tchadiens. Ils font la pluie et le beau temps en Centrafrique".

Le ressentiment de la population majoritairement chrétienne (80%) a redoublé depuis la tuerie du week-end dernier, le plus grave incident impliquant des troupes étrangères en Centrafrique depuis le renversement, en mars 2013, du président François Bozizé par la Séléka, une coalition à dominante musulmane appuyée par le Tchad.

Les soldats tchadiens ont été accusés à plusieurs reprises, depuis l'arrivée au pouvoir de la Séléka, de passivité face aux exactions de celle-ci contre la population, voire de connivence - certains combattants Séléka étaient Tchadiens. N'Djamena a toujours démenti.

Peu semblaient regretter le départ des Tchadiens au PK-5, enclave musulmane de Bangui où les quelques milliers de personnes restantes sont continuellement harcelées par les milices anti-balaka, groupes à dominante chrétienne formés en réactions aux exactions des Séléka.

"Ce n'est pas grave, ici ce sont les Burundais (de la Misca) qui nous protègent. Et ils le font plutôt bien", affirme Athaïr, jeune commerçant musulman membre d'un groupe de défense du quartier: "on remercierait presque Dieu que les Tchadiens s'en aillent car on les accuse de nous protéger, d'être partisans".

Le Tchad part alors que les forces africaines et l'armée française réclament au contraire des renforts pour pacifier le pays.

Mardi, l'Union européenne a décidé d'envoyer une force militaire en Centrafrique, mais ses effectifs - environ 800 hommes - suffiront à peine à combler le vide laissé par les Tchadiens.

Le ministère français des Affaires étrangères a salué "l'engagement des autorités tchadiennes et l'engagement personnel du président Deby (...) dans la recherche d'une sortie de crise en Centrafrique".

bur-cl/mc/mba

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