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A Bangui ce matin, Jo Christian est heureux de pouvoir accompagner son fils à l'école

A Bangui ce matin, Jo Christian est heureux de pouvoir accompagner son fils à l'école

Ce matin, Jo Christian est heureux de pouvoir accompagner à pied son fils de cinq ans à l'école maternelle par une rue en terre, certes détrempée par les lourdes pluies mais tranquille. Les éclats de violence dans Bangui ces derniers jours les avaient empêché de sortir.

"Ca a trop tiré, on a eu trop peur pour sortir, et encore plus avec nos enfants", explique le père, fonctionnaire au ministère du Plan.

L'école de la Caisse nationale de Sécurité Sociale (CNSS) du 2ème arrondissement avait pu rouvrir le 17 février, profitant d'une relative accalmie dans les violences qui déchirent Bangui depuis la prise de pouvoir en mars 2013 de la Séléka, l'ex-rebellion qui a depuis cédé la place devant l'arrivée des forces françaises et africaines.

Mais, la semaine dernière, une grenade lancée contre une veillée funéraire, puis des tirs de soldats tchadiens ont de nouveau semé la terreur dans la capitale centrafricaine encore instable.

Le petit Emmanuel, accueilli par une sentinelle à la porte, lâche la main de son père pour entrer dans la vaste cour plantée de grands acacias aux puissantes racines qui affleurent la latérite.

La directrice, Geneviève Dekozo, accueille les retardataires.

"Le début de l'école est fixé à sept heures mais nous les accueillons jusqu'à huit heures. Si nous disions ouverture à huit heures, ils arriveraient à neuf", explique-t-elle.

"Certains des enfants viennent de loin. Alors, ils ont beaucoup de problèmes pour arriver ici. L'insécurité, les pénuries de carburant...".

De longues files d'attente, voitures et moto, s'allongent en effet devant les stations service de Bangui ces derniers jours.

Le pays, enclavé, dépend pour son approvisionnement de l'arrivée de camions depuis le lointain Cameroun, en convois sécurisés par les forces internationales.

Dans le bureau de la directrice, deux affiches au mur: "Dieu donne en son temps" et puis, en grand, "Ayez des enfants".

Pour ce qui est de la natalité, la Centrafrique comme la plupart des pays du continent fait des enfants, beaucoup d'enfants.

En ce qui concerne la religion, et en raison des violentes tensions intercommunautaires qui recoupent des appartenances chrétienne et musulmane, la directrice précise que cette école accueille enfants chrétiens et musulmans.

"Nous ne faisons pas de distinction", précise-t-elle. Son établissement, géré par la CNSS, n'a pas de vocation religieuse.

"Nous avions 342 élèves dans dix classes avant les événements, aujourd'hui nous en avons récupéré 284", explique la directrice.

Brigitte Kathoka, l'une des institutrices mène son petit monde à l'ancienne, longue règle en bois en main: fillettes en bleu et rose, cheveux artistiquement tressés, garçons en bleu ciel, tête rasée.

Il s'agit de réciter l'alphabet, plutôt de le chanter. Et puis de décrire les quatre temps: "le temps ensoleillé, le temps doux, le temps couvert et le temps pluvieux".

Brigitte, corpulente, moulée dans un boubou bleu nuit, rythme de ses hanches la mélopée en français, puis en sango, la langue nationale. Avant d'attaquer, bien lancée, "Bateau sur l'eau, vogue, vogue, vogue..."

Les vieux pupitres sont de bois, le tableau noir bien accroché, les salles sont propres.

Dans l'une d'elles, les enfants sont serrés sur leurs bancs. "Nous avons regroupé deux classes car l'un de nos bungalows a été pillé par les Séléka. Depuis, j'ai demandé les fonds pour réparer, mais il nous faut attendre".

L'année scolaire coûte 54.000 FCFA (82 euros), auxquels s'ajoutent l'achat des fournitures scolaires.

En ce moment, certaines familles ont encore plus de mal à payer, explique la directrice, qui soulève des papiers sur son bureau: "je fais des relances".

Dans des quartiers plus chauds, comme le 3ème et le 5ème arrondissements, les écoles ne rouvrent toujours pas.

"Alors, explique Léopold un habitant du 5ème, j'ai pris un répétiteur privé pour mon garçon de cinq ans".

A la fin de la classe, à midi, les élèves de l'école de la CNSS peuvent entonner: "Au revoir ma classe, à demain, si Dieu le veut".

jpc/mc/aub

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