Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

Vingt ans après, le Rwanda veut continuer de juger les responsables du génocide

Vingt ans après, le Rwanda veut continuer de juger les responsables du génocide

Dans une salle d'audience presque vide de Kigali comparaît l'ex-homme politique rwandais Léon Mugesera, accusé plus de 20 ans après les faits d'avoir ouvert la voie au génocide de 1994 en appelant publiquement à l'extermination des Tutsi.

La justice rwandaise veut le juger depuis 1995, mais il lui a fallu 15 ans de procédure pour obtenir en janvier 2012 l'extradition de M. Mugesera, installé au Canada depuis 1993, un an avant que n'éclate le génocide qui a fait environ 800.000 morts, essentiellement dans la minorité tutsi.

Un an de plus aura été nécessaire pour que s'ouvre son procès, après de multiples reports demandés par ses avocats.

"Peu importe que cela prenne 10 ou 20 ans. Nous devons savoir ce qui s'est passé", explique Alain Mukurarinda, procureur dans le procès de Léon Mugesera, jugé pour un discours incendiaire prononcé en 1992 dans lequel il incitait les Hutu à tuer les "cafards", terme utilisé pour désigner les Tutsi.

Créé par l'ONU en 1994 pour juger les principaux responsables du génocide, le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), basé à Arusha (Tanzanie), s'apprête à fermer ses portes à la fin de l'année, après avoir jugé 73 personnes dans 55 affaires.

Au Rwanda, les tribunaux traditionnels gacaca, remis au goût du jour par les autorités, ont jugé entre 2005 et 2012 quelque deux millions d'exécutants accusés de crimes divers liés au génocide.

Mais 20 ans après, le Rwanda continue de réclamer ceux qui, réfugiés à l'étranger, ont jusqu'ici échappé aux tribunaux. "Le plus important est que le jugement soit rendu là où les crimes ont été commis, afin que les gens comprennent que le Rwanda ne permettra pas à leurs auteurs d'échapper à la justice", explique M. Mukurarinda.

Longtemps réticents et doutant de l'impartialité du système judiciaire rwandais, plusieurs pays occidentaux ont finalement commencé à répondre positivement aux demandes d'extradition. Mais d'autres préfèrent juger sur leur sol les suspects.

En mars, la justice française, qui persiste à refuser d'extrader les personnes réclamées par Kigali, a condamné pour la première fois un Rwandais pour génocide, Pascal Simbikangwa, qui a écopé de 25 ans de prison.

Outre la volonté affichée de juger jusqu'au dernier ceux qui ont planifié et organisé les massacres de 1994, le Rwanda dit vouloir utiliser la justice comme un outil de mémoire à destination des générations futures.

Les procès devant les tribunaux gacaca, et notamment les témoignages des victimes et les aveux des assassins, ont été enregistrés. Des films, mais aussi des photos et des dossiers, entassés dans quelque 18.000 boîtes, attendent au quartier général de la police d'être numérisés.

"Nous devons sauvegarder tous ces documents parce que ces informations sont capitales pour l'Histoire, la mémoire, l'éducation et la recherche", explique Jean-Damascene Gasanabo, directeur général du Centre de recherche et de documentation sur le génocide.

Au Mémorial du génocide de Kigali, où sont regroupés les restes de 250.000 victimes, des écoliers en uniforme, bermudas et chaussettes remontées sous les genoux prennent studieusement des notes sur une histoire qu'ils n'ont pas vécue.

Témoignent, accrochés aux murs, les photos des victimes - portraits de famille, jours de mariage, images d'enfants - et des vêtements déchirés et tachés de sang, près de téléviseurs qui diffusent en boucle les récits des horreurs dont ont été témoins famille, amis ou voisins.

"Une génération entière est jugée pour les crimes qu'elle a commis en 1994 au Rwanda mais, dans 50 ans, il y aura une autre génération qui devra apprendre ce qui est arrivé à leurs parents et leurs grands-parents, qu'ils aient été criminels ou survivants", explique Honoré Gatera, directeur du Mémorial.

Au tribunal de Kigali, le procureur Alain Mukurarinda confie que les récits des témoins, racontant les horreurs auxquelles ils ont assistées, sont parfois éprouvants. Mais la justice doit poursuivre sont travail afin d'éviter que de telles atrocités ne se reproduisent, ajoute-t-il.

"Aujourd'hui, 20 ans plus tard, les problématiques qui ont mené au génocide sont toujours présentes, mais nous avons de bonnes bases pour aller de l'avant, grâce aux procès d'Arusha, aux gacaca et à ce qui se passe ici", au tribunal de Kigali, dit-il.

str/sas/eln/ayv/mba/de

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.