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François-Ferdinand et Sophie revivent à Sarajevo un siècle après l'attentat

François-Ferdinand et Sophie revivent à Sarajevo un siècle après l'attentat

"Oui, je suis bien Gavrilo Princip et je ne sais pas comment je vais survivre cette année!" A quelques mois du centenaire de la Première guerre mondiale, cet homonyme de l'auteur de l'attentat de Sarajevo, qui se trouve être son cousin, est exaspéré de l'attention qu'il suscite.

Occupé avec des clients potentiels venus se renseigner sur la possibilité d'organiser un séminaire dans les locaux du petit hôtel M3 dont il est gérant, dans la banlieue de Sarajevo, l'homme menu aux cheveux grisonnants essaie comme il peut d'échapper à la presse.

D'un geste rapide, Gavrilo Princip, 61 ans, prend son paquet de cigarettes et quitte la table du café de l'hôtel, réfutant toute négociation sur une interview pour parler de son cousin éloigné, qui a tué le 28 juin 1914 l'archiduc François-Ferdinand dans un attentat détonateur de la Grande Guerre.

"Excusez-moi, j'ai beaucoup de travail et je n'ai pas besoin de publicité", dit-il seulement.

A une dizaine de kilomètres de là, dans les quartiers à l'architecture austro-hongroise du centre-ville, une jeune entrepreneuse, Emela Burdzovic, a misé justement sur l'approche du centenaire de l'attentat pour lancer son affaire: un hôtel-boutique "Franz Ferdinand", consacré à la Première guerre mondiale.

"Outre le siège de la ville (pendant la guerre intercommunautaire de Bosnie de 1992 à 95, ndlr), c'est justement l'attentat de 1914 qui attire les touristes du monde entier à Sarajevo", dit cette ancienne journaliste reconvertie dans le tourisme.

Tout près de la cathédrale catholique, son hôtel est caché derrière un vieil immeuble à la façade vétuste et jaunâtre.

Un grand portrait de l'archiduc moustachu vêtu d'un uniforme militaire et au regard mélancolique, domine dans l'accueil de l'établissement. Sa moustache aux pointes recourbées vers le haut est d'ailleurs une image de marque de ce petit hôtel ouvert en 2013.

Les chambres portent les noms des acteurs de l'attentat de Sarajevo, ceux du couple impérial, de l'assassin ou encore de son organisation "Mlada Bosna" (La Jeune Bosnie), ainsi que des noms de champs de bataille de la Grande Guerre, tels que Gallipoli ou Verdun.

Des portraits et des scènes de guerre, ainsi que des écriteaux avec des explications sur le conflit sont accrochés aux murs. Un bref cours d'histoire.

"Uniquement des faits", assure Emela. Mais c'est bien l'interprétation historique de l'attentat qui agite ces derniers mois les Balkans et la Bosnie.

Pour les Serbes, Gavrilo Princip, lui-même un Serbe, a été un héros qui songeait à l'émancipation du joug de l'occupant austro-hongrois. Pour les musulmans, c'est un terroriste.

Victimes des Serbes pendant la guerre de Bosnie (1992-95), il est impensable pour les musulmans de considérer un Serbe comme un héros.

"Tous ces débats nous arrangent. Plus il y en a, mieux c'est pour nos affaires. Notre objectif a été de raconter sur les murs de l'hôtel une histoire sur Sarajevo qui est connue à travers le monde. Et nous avons choisi un événement qui provoque beaucoup de controverses et d'émotions à la veille du centenaire", explique Mme Burdzovic.

Les 55 chambres sont déjà toutes réservées pour fin juin, quand sera commémoré l'attentat qui a coûté la vie à l'héritier de l'empire austro-hongrois et a précipité, par le jeu des alliances, l'Europe puis le monde dans la Grande Guerre, qui fit dix millions de morts et 20 millions de blessés parmi les militaires auxquels s'ajoutent des millions de morts parmi les civils.

C'est l'histoire d'amour entre François-Ferdinand et Sophie et pas un penchant idéologique pour l'Empire austro-hongrois qui a inspiré Adnan Smajic à baptiser son salon de thé "Franz&Sophie".

"Ce sont les personnages historiques qui ont marqué cette ville. Leur vie a apporté des changements dans une Europe très traditionnelle et conservatrice à l'époque, mais ils n'en étaient pas conscients", dit cet ancien médecin devenu expert en dégustation de thé.

"Tous ces gens qui mènent des combats de tranchées idéologiques devraient passer par ici pour boire une tasse de thé et découvrir qu'il est possible aussi de parler de cette époque avec une autre perspective", ajoute M. Smajic, souriant.

La Bosnie a été englobée pendant quarante ans (1878-1918) dans l'Empire austro-hongrois, après 450 ans de domination ottomane. Mais cela suffit pour que Sarajevo ait, un siècle plus tard, un café "Von Habsburg", estime le serveur Samir Divjan.

"Je pense que c'était une époque de civilisation de notre peuple qui s'était alors tourné vers l'Occident. De simple bourgade, Sarajevo avait alors été transformée en une ville", se félicite-t-il.

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