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Avant l'élection afghane, chasse aux talibans dans la vallée de l'opium

Avant l'élection afghane, chasse aux talibans dans la vallée de l'opium

Au fin fond d'une vallée recouverte de pavot, des soldats afghans bivouaquent dans la bonne humeur après avoir pilonné les talibans pendant des heures. Jusqu'à ce que leur insaisissable ennemi rappelle brusquement sa présence à coups de rafales de kalachnikov.

Le convoi militaire est parti avant le lever du soleil, de la base du district de Khogyani, située à une trentaine de minutes de Jalalabad, la principale ville de l'est afghan.

Objectif de l'opération, baptisée "Aigle 30": débarrasser de toute présence insurgée deux districts, Khogyani et Sherzad, avant le premier tour de l'élection présidentielle, samedi. Un scrutin dont le vainqueur aura la délicate tâche de maintenir l'Afghanistan à flot et de résister aux talibans avec ses seules forces de sécurité après le retrait de ses alliés de l'Otan à la fin 2014.

Avant le départ, le général Dadan Lawang, treillis kaki et barbe noire, galvanise ses troupes rassemblées devant la base.

"Mes frères, ô lions d'Afghanistan, je vous salue. J'espère que vous êtes en forme. Comme vous le savez, l'Afghanistan aborde un moment critique de son histoire avec l'élection présidentielle", lance-t-il d'une voix forte et autoritaire.

"Nous devons éliminer les insurgés dans tout le district!", gronde-t-il en montrant du doigt la ceinture de montagnes où se cacheraient les rebelles islamistes. Et ses hommes d'acquiescer en criant: "Dieu est grand !".

Après quelques heures de trajet, les soldats finissent par rejoindre une vallée d'émeraude: des champs de pavot à opium à perte de vue, qui assurent aux talibans, comme à d'autres dans le pays, des centaines de millions de dollars annuels de revenus.

Ici commencent les choses sérieuses: par crainte des embuscades et bombes artisanales, le convoi avance à tâtons sur une piste de terre caillouteuse. "Les insurgés ont posé des mines partout", peste le colonel Shirin Agha.

A peine a-t-il prononcé ces paroles qu'une puissante explosion retentit un peu plus loin sur la route. "Une bombe, mais heureusement pas de victimes", soupire-t-il.

Entre mines et autres menaces, il faut une journée aux troupes pour s'enfoncer d'une trentaine de kilomètres dans cette campagne démunie, dont les habitants regardent stupéfaits le défilé militaire.

La première escarmouche survient au crépuscule. Arrivés au sommet d'une colline, les soldats sont surpris par des tirs semblant jaillir de nulle part.

"Ils sont tout autour, difficile de savoir où précisément", lâche le sergent Ahmad Qais, un trompe-la-mort toujours en première ligne, bandana noir et rouge sur la tête.

Les soldats afghans déchargent des mortiers et un canon des camions et tirent bientôt à feu nourri sur les montagnes enneigées qui encerclent la vallée.

Cela durera une demi-heure, sans qu'il soit vraiment possible de savoir à la fin si les insurgés ont été éliminés ou s'ils ont opéré une retraite stratégique. Le commandement décide de passer la nuit sur place, malgré le froid mordant.

Au petit matin, des soldat font un brin de toilette dans la rivière. Bulbul Shah s'étire en grimaçant après avoir dormi dans la remorque d'un pick-up: "Je n'avais qu'une couverture pour me tenir chaud. C'est dur, mais c'est la vie de soldat".

L'offensive reprend dans la matinée: l'artillerie, appuyée par des avions de combat A10 américains, pilonne sans relâche la vallée, zones civiles y compris. Avec à la baguette le colonel Zubair Ahmad, un rouquin énergique qui vocifère ses ordres au talkie-walkie depuis un surplomb rocailleux.

Au bout de trois heures, il signale la fin des tirs. "La zone est sécurisée".

Le convoi reprend sa route et s'arrête dans un petit village pour bivouaquer.

Il est midi, les soldats éprouvés se jettent sur un puits pour se désaltérer, avant de faire la queue devant une immense marmite en quête d'une assiette de riz et d'un bout de viande. Leur premier repas chaud depuis le départ de la base, la veille au matin.

Le soleil est généreux, l'ambiance détendue, les soldats plaisantent. Mais quelques minutes plus tard, les assiettes volent: le village est attaqué par les talibans, malgré le bombardement intensif de la matinée.

Les soldats sont surpris, mais bien mieux équipés, et leur riposte est implacable: fusils d'assaut, mitrailleuses lourdes et bazookas déchargent un torrent de feu. Et les A10 resurgissent pour canarder la montagne.

En dix minutes, tout est terminé. "C'était une embuscade", explique le sergent Qais en rechargeant son fusil d'assaut.

A en croire le général Lawang, l'opération "Aigle 30" a été un "franc succès" et les insurgés ont connu une déroute sans précédent.

Réalité, ou exercice de communication? Comment assurer que les talibans ne reviendront pas l'an prochain dans cette vallée harceler les troupes du futur président, et cette fois sans le soutien des A10 de l'Otan?

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