Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

"Tout sauf Modi" : en Inde, nombre de musulmans craignent le pire

"Tout sauf Modi" : en Inde, nombre de musulmans craignent le pire

A son nom certains se dérobent tandis que d'autres refusent de reconnaître sa popularité : les musulmans indiens assistent avec anxiété et méfiance à la montée en puissance de Narendra Modi, donné favori des prochaines législatives.

La plupart des fidèles de la mosquée Jama Masjid Terhi Bazaar à Ayodhya, située à un km du lieu de tensions religieuses le plus connu en Inde, étaient trop jeunes pour se souvenir des émeutes de 1992 ayant fait plus de 2.000 morts.

Ce n'est pas le cas de Mohammad Sageer, adolescent au moment des pires violences connues par l'Inde depuis son indépendance.

"Qu'y-a-t-il de pire que de voir des musulmans battus, découpés et brûlés vifs?" déclare-t-il à l'AFP devant la petite mosquée bleue sous le soleil de plomb de midi.

Les tensions autour d'Ayodhya ont culminé en décembre 1992 quand des activistes hindous ont démoli la mosquée, revendiquant le site considéré comme le lieu de naissance du dieu hindou Ram. Le conflit a laissé de profondes traces mais a installé le parti nationaliste hindou Bharatiya Janata Party (BJP) sur la scène politique nationale.

La forte présence policière maintenue à Ayodhya témoigne de la persistance de la sensibilité des lieux. Chaque visiteur doit franchir cinq barrières de sécurité et parcourir des allées grillagées surmontées de barbelés jusqu'en son centre.

La police paramilitaire monte la garde depuis des tours, armes automatiques en mains.

Le différend sur la propriété du site s'est enlisé dans une bataille judiciaire qui a permis d'apaiser les tensions.

"Mais si le BJP arrive au pouvoir avec une nette majorité alors l'atmosphère ici va devenir un peu plus tendue", met en garde Sageer, âgé de 36 ans.

Longtemps au coeur de son programme, le projet de construction d'un temple pour Ram sur le site de l'ancienne mosquée Babri Masjid figure toujours dans le manifeste du BJP.

Si Modi est plus souvent associé aux émeutes qui ont ensanglanté en 2002 l'Etat du Gujarat, il a aussi été lié à la bataille autour d'Ayodhya.

Le favori des prochaines législatives, qui débuteront le 7 avril, a aidé dans le Gujarat à l'organisation d'un mouvement national lancé par le chef du BJP de l'époque, L.K. Advani, pour demander la construction d'un temple pour Ram en 1990.

Ce rôle lui a permis "de percer sur la scène politique nationale", dit l'auteur d'une biographie de Modi, Nilanjan Mukhopadhyay.

"La communauté musulmane est préoccupée par Modi", déclare Mujibur Rehman, responsable du Centre for Minority Studies de l'université Jamia Millia Islamia de Delhi.

"Ce qui inquiète les Musulmans c'est principalement qu'ils sont persuadés qu'il s'agit de quelqu'un qui a peu de respect pour eux, pour leur vie et leur futur".

Le parcours de Modi et son peu d'ouverture envers les communautés religieuses, même pendant les campagnes électorales, leur donne des raisons d'inquiétude, ajoute-t-il.

Végétarien strict, adepte d'une pratique quotidienne du yoga, Modi a adhéré très jeune à une organisation nationaliste hindou avant de rejoindre le BJP à un moment où les relations entre communautés religieuses étaient dégradées.

Depuis 2002, il tente d'éloigner les suspicions sur son absence de réaction lors des émeutes du Gujarat qui ont fait plus de 1.000 morts essentiellement musulmans.

Modi, qui venait de prendre la tête de l'exécutif de cet Etat, n'a pas été mis en cause judiciairement mais l'une de ses proches a été condamnée à la perpétuité.

"Pas Modi. Je voudrais ne jamais voir Modi de ma vie", réagit Haji Mahboob Ahmad, qui dirige le groupe défendant les droits de Musulmans de prier à Ayodhya. "Tout sauf lui".

Pendant la campagne, Modi s'est présenté comme un nationaliste modéré, surtout préoccupé par le développement de l'économie et par les questions de bonne gouvernance.

"Ma religion c'est +la nation et l'Inde avant tout", déclare-t-il lors des meetings, ajoutant que la constitution est son "seul livre saint" et que la construction de toilettes doit passer avant celle de temples.

Sur les émeutes de 2002, il a dit ressentir de la "douleur" et de la "tristesse".

Mais sa décision d'être candidat à la députation dans la ville sainte de Varanasi (Bénarès) est une façon de rappeler à ses soutiens qu'il n'a pas oublié ses racines.

Il a aussi évoqué ces "75% du peuple" de l'Inde - c'est-à-dire les hindous - qui ont été oubliés par le parti du Congrès au pouvoir depuis 10 ans. Les musulmans représentent eux 13% environ de la population de l'Inde.

La tentation d'un programme nationaliste hindou ("l'hindutva") se heurterait probablement à la nécessité de composer avec les partenaires au sein d'une coalition étant donné qu'une majorité BJP est hautement improbable.

"Si un parti hindou remporte une majorité alors nous demanderons au parlement de libérer le site natal de Ram pour qu'il soit donné à la communauté hindoue", déclare Sharad Sharma du Vishva Hindu Parishad (VHP, conseil mondial hindou) à l'AFP depuis Ayodhya.

Autour de lui, des tailleurs de pierre cisèlent un temple en construction de Ram dont de nombreux membres du VHP espèrent qu'il prendra place un jour sur l'ancien site de la mosquée.

adp-anb/co/ef

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.