Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

L'Ukraine fédérale, moyen pour Moscou de reprendre la main dans l'Est (analystes)

L'Ukraine fédérale, moyen pour Moscou de reprendre la main dans l'Est (analystes)

Une Ukraine fédérale, solution à la crise? La proposition de Moscou pourrait bien constituer un coup de poker pour reprendre la main dans les régions russophones de l'ex-république soviétique et y asseoir son influence en pleine campagne électorale, estiment des analystes ukrainiens.

L'idée a été lancée pendant le week-end par le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov, présentée comme la base d'un possible compromis diplomatique avant un entretien avec son homologue américain John Kerry.

Une structure fédérale "protégerait les droits de ceux qui vivent en Ukraine, et principalement de la population russe" dans les régions russophones de l'est, a-t-il plaidé à la télévision russe dimanche.

En Ukraine, les autorités de transition pro-européennes, au pouvoir depuis la destitution de Viktor Ianoukovitch, ont vu rouge et y ont vu une manoeuvre en vue d'une "partition" de l'Ukraine.

Pour Olexiï Melnyk, expert en relations internationales du centre Razoumov, "les déclarations de la Russie révèlent clairement une intention de transformer l'Ukraine en un État faible contrôlé de l'extérieur".

"Si on donne la possibilité aux régions de mener indépendamment leur politique étrangère alors on peut imaginer un scénario similaire à la Crimée dans la région de Kharkiv", estime-t-il.

Kharkiv, à la frontière russe, fait partie avec Donetsk et Lougansk des grandes villes de l'Est agitées par des manifestations séparatistes réunissant tous les week-ends des milliers de personnes. Le 14 mars, deux personnes y sont mortes dans des heurts entre manifestants pro-russes et partisans de l'unité de l'Ukraine.

Ces régions industrielles russophones bénéficient de liens culturels et économiques forts avec la Russie et ces mouvements ont fait craindre une intervention militaire de Moscou, qui selon Kiev et Washington, a massé ses soldats à la frontière.

Mais la Russie a assuré fermement ce week-end n'avoir aucune intention d'envoyer ses soldats sur le territoire ukrainien et retiré une partie de ses troupes des zones frontalières. Elle se dit prête désormais à négocier et a mis sur la table l'option fédérale.

"Avec le transfert de pouvoirs de la capitale vers les régions, la Russie veut que les régions ukrainiennes puissent traiter directement avec elle sur tous les sujets", explique Olexiï Goloboutski, directeur adjoint de l'Agence de modélisation des situations à Kiev. "De cette manière, la capitale pourrait perdre le contrôle sur l'Est et le Sud".

L'idée présente un certain charme pour ces régions qui estiment porter l'économie du pays à bout de bras mais se sentent souvent incomprises de Kiev, et encore plus depuis l'arrivée au pouvoir des pro-européens où les nationalistes sont représentés. Elle pourrait aussi séduire les Occidentaux, qui préconisent eux-même une "décentralisation" pour apaiser les tensions dans l'Est et certaines zones du Sud comme le port Odessa.

"La Russie n'est pas parvenue à organiser une révolte pro-russe dans les régions de l'Est et du Sud, n'a pas réussi à y répéter le scénario qui s'est joué en Crimée", explique Olexiï Goloboutski. "L'idée d'une fédéralisation constitue un nouveau moyen d'influer sur la vie politique ukrainienne".

De fait, les manifestations séparatistes, si elles sont toujours organisées, ont diminué de volume ces deux dernières semaines, victimes d'un certain essoufflement et aussi de la réaction des autorités, qui ont arrêté les leaders et demandé aux opérateurs câblés de ne plus transmettre les télévisions russes, accusées de propagande.

"La Russie veut déstabiliser la situation en Ukraine, mais pour l'instant ses tentatives échouent", relève Olexiï Melnyk.

Pour l'expert, l'émergence du thème fédéral au moment où démarre la campagne pour la présidentielle du 25 mai "n'est absolument pas un hasard": "L'objectif de la Russie est soit de saboter les élections, soit de compliquer leur organisation dans certaines régions, pour pouvoir ensuite mettre en doute la légitimité du nouveau président".

Le favori actuel, le milliardaire pro-européen Petro Porochenko, a rejeté l'idée. Mais elle pourrait trouver un relais avec le Parti des Régions, que dirigeait Viktor Ianoukovitch, qui a investi comme candidat Mikhaïlo Dobkine. Cet ex-gouverneur de Kharkiv, sous le coup de poursuites pour séparatisme, est soutenu selon la presse par l'homme le plus riche d'Ukraine, le très influent Renat Akhmetov qui vit à Donetsk.

dg-gmo/ai

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.