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Élections 2014 - Les médias sociaux et la campagne électorale en huit questions

Les médias sociaux et la campagne électorale en huit questions
DrAfter123 via Getty Images

De plus en plus de politiciens et de partis politiques utilisent les médias sociaux, parfois à leurs risques et périls. Le Huffington Post Québec a posé huit questions à Stéphane Couture et Josianne Millette, respectivement chercheur en communication à l'Université McGill et professeure-assistante en communication publique à l'Université Laval, afin de mieux comprendre les impacts de ces nouveaux médias dans une campagne électorale. Voici les réponses données conjointement par les deux experts.

Est-ce obligatoire, en 2014, d’être présent sur les médias sociaux pour un parti politique pendant une campagne électorale?

La présence des partis politiques sur les médias sociaux devient effectivement de plus en plus incontournable, dans la mesure notamment où il y a des attentes en ce sens de la part du public, mais aussi des journalistes.

Par contre, même aujourd'hui, une campagne électorale ne se gagne pas sur les médias sociaux. Les grands médias jouent encore un rôle de premier plan, de même que le contact sur le terrain.

Or, les médias sociaux sont très importants pour les petits partis qui réussissent difficilement à être couvert par les médias traditionnels. Ils permettent également aux partis de rester connectés à leur base électorale, c'est-à-dire à leurs membres et à leurs sympathisants.

Certains chefs et/ou candidats possèdent un compte Twitter ou encore Facebook, et échangent avec les internautes. Gagnent-ils à le faire?

Il faut dire qu'en période électorale, comme c'est encore souvent le cas pour les organisations en général, les comptes Facebook ou Twitter sont surtout utilisés dans une logique de diffusion.

Chez les chefs en particulier, il y a très peu d'échange direct avec les internautes. Ce qui n'empêche évidemment pas ces derniers d'interpeler les candidats. L'erreur serait de ne miser que sur les médias sociaux pour faire passer son message ou de penser qu'il suffit d'y être présent pour gagner des points.

Certains comptes de personnalités publiques sont alimentés par des spécialistes de l’image : est-ce une bonne façon d’utiliser ces nouveaux médias?

D'abord, il n'existe pas quelque chose comme une «raison d'être» qui serait inscrite dans l'ADN des médias sociaux. Au contraire, les usages apparaissent ou disparaissent au fil du temps et, avec eux, différentes attentes par rapport notamment au style, au ton et à la manière de se comporter en ligne.

En période électorale, les politiciens sont entourés d'une équipe de communication qui les conseille continuellement et participe directement à la préparation de l'ensemble des relations de presse et des prises de parole publiques. Il n'est donc pas étonnant qu'un spécialiste des communications s'occupe du compte Facebook ou Twitter d'un politicien et que ces plateformes fassent partie d'une stratégie plus large.

Ceci dit, c'est vrai qu'on assume généralement que la personne derrière un compte de médias sociaux est celle qui parle. C'est une des raisons pour lesquelles on apprécie le ton «plus humain» de certains plutôt que d'autres. Ce serait également très difficile pour un candidat de se dissocier complètement de propos tenus en son nom sur les médias sociaux.

Certains partis politiques utilisent les médias sociaux pour faire des annonces, et ce, au lieu de passer par les médias traditionnels. Est-ce une bonne stratégie?

Certains partis vont d'abord diffuser leurs annonces sur les médias sociaux pour bénéficier d'un effet d'immédiateté ou pour tenter d'alimenter l'intérêt autour d'un sujet, ou d'un évènement. D'autres choisiront des formats comme de courtes vidéos ou des vignettes qui sont destinés à être retransmis et mis en circulation sur les médias sociaux. Finalement, les partis – en particulier les petits partis - choisissent souvent d'utiliser les médias sociaux en raison de coûts qui sont moindres qu'une annonce dans un grand quotidien ou à la télévision.

Par contre, ils ne doivent pas négliger pour autant le contact sur le terrain ni les médias traditionnels, qui continuent d'apporter une certaine crédibilité et de donner de l'importance à l'information qui est diffusée.

Il faut multiplier les moyens de communication, pas les réduire, et surtout bien les choisir en fonction de ce que l'on veut accomplir et des publics auxquels on veut s'adresser.

Pour attirer et rejoindre l’électorat jeune, certains politiciens ne se gênent pas pour faire des «selfies» ou encore à participer à certaines tendances web. Ont-ils raison ou manquent-ils leur cible?

C'est peut-être une manière intéressante de rejoindre les jeunes et de donner une impression de proximité, mais honnêtement, ce n'est probablement pas ce qui fait gagner beaucoup de votes.

Il faut également reconnaître que, pour plusieurs, sinon pour la plupart, les candidats sont eux-mêmes des internautes : c'est-à-dire qu'ils font eux aussi partie de différentes cultures web et qu'ils peuvent être gagnés par certaines tendances, dont le «selfie».

Cependant, il y a aussi un certain danger de paraître artificiel et de rater sa cible.

Or, il n'y a pas de recette miracle ou de réponse définitive : tout dépend de la personnalité des candidats ou des liens qu'ils entretiennent avec leur base, par exemple.

Des extraits de conversation, des «J’aime» ou encore des photographies personnelles ont fait les manchettes dernièrement. Est-ce de l’information d’intérêt public?

Certains chercheurs en communication décrivent les médias sociaux – et en particulier Facebook – comme un espace «clair obscur». Un peu comme dans un bar ou en camping où l'on peut être vu, entendu, mais où il peut quand même y avoir une certaine distance, c'est-à-dire qu'on n'épie pas pour autant ce que tout le monde peut faire ou dire à chaque instant. […] C'est un équilibre qui est généralement respecté dans l'usage quotidien des médias sociaux.

Le problème se pose lorsqu'un individu devient une personnalité publique. Ses publications passées sont-elles d'intérêt public? Là encore, la réponse diffère selon le contexte.

Par exemple, en début de campagne, on s'est aperçu qu'un jeune candidat avait laissé sur son compte Facebook des photos osées de lui-même. […]. Bien qu'on ait demandé au jeune candidat de mettre de l'ordre dans ses photos publiques et que cela ait pu conduire à mettre en doute son jugement ou même celui de son parti, ses expériences passées n'étaient pas pour autant d'intérêt public.

Par contre, pour un autre candidat, on a trouvé des images islamophobes. Ces images sont clairement d'intérêt public, dans la mesure où le racisme et l'islamophobie sont considérés inacceptables dans notre société et qu'il s'agit d'opinions qui sont liées de près aux questions politiques actuelles. C'est pourquoi le candidat a dû se retirer.

Les médias accordent-ils trop d’importance à l’information qui circule sur les médias sociaux?

Bien que les médias sociaux soient devenus une source d'information pour les médias, il faut aussi souligner que ce qui y circule provient souvent de ces mêmes médias « traditionnels». […] Il faut éviter de porter un regard trop unidirectionnel sur ce phénomène : les espaces médiatiques en ligne et hors-ligne sont étroitement interconnectés, et participent ensemble à former l'espace public

La place des médias sociaux dans une campagne électorale va-t-elle progresser dans les prochaines années?

On peut s'attendre à ce qu'elle progresse, dans la mesure où les candidats et les partis politiques sont convaincus de la nécessité d'investir cet espace, en raison de l'intérêt que les journalistes portent à ce qui se produit en ligne ainsi que des attentes des internautes.

On peut toutefois aussi s'attendre à ce que de nouvelles plateformes de communication émergent et que d'autres usages se mettent en place.

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