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Colombie: un processus de paix à l'épreuve des violations des droits de l'homme

Colombie: un processus de paix à l'épreuve des violations des droits de l'homme

Le processus de paix avec la guérilla des Farc en Colombie se poursuit. Les violations des droits de l'homme aussi. Une équation complexe, selon l'ONU, qui y voit un défi pour la résolution du plus vieux conflit d'Amérique latine.

Le pays, en proie à près d'un demi-siècle de violences, a presque franchi le seuil de six millions de personnes affectées, dont plus de cinq millions de "déplacés", un chiffre comparable avec l'Irak, selon le rapport du Haut Commissariat de l'ONU aux droits de l'homme (HCDH), présenté cette semaine à Bogota.

Les négociations avec les Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc), qui se déroulent sans cessez-le-feu depuis novembre 2012 à Cuba, n'ont pas enrayé cet exode, avec 55.000 nouveaux cas au cours des dix premiers mois de l'année 2013.

"Quand il y a un conflit armé, il y a chaque jour de nouvelles victimes, de nouvelles violations", a déploré Todd Howland, représentant du HCDH en Colombie, lors d'une rencontre avec la presse.

Le conflit interne, qui a mêlé des guérillas, des milices paramilitaires - aujourd'hui pour beaucoup reconverties en bandes criminelles -, ainsi que les membres de l'armée, a fait plusieurs centaines de milliers de morts, selon les estimations.

Durant l'année 2013, en pleine négociation de paix, les acteurs du conflit, circonscrit aux régions rurales, ont continué à violer les règles internationales.

Recrutement de mineurs, mines antipersonnel qui ont tué au moins 31 personnes, dont 13 civils, et en ont blessé 254 (107 civils), attaques contre dirigeants de communautés indigènes: les griefs faits aux Farc n'ont pas changé.

"Oui, la situation des droits de l'homme s'est détériorée: en partie, car certaines colonnes mobiles des Farc échappent au contrôle du haut commandement", affirme à l'AFP Jorge Restrepo, directeur du Cerac, centre de recherche spécialisé dans le conflit.

Toutefois, selon lui, "la pression de la société colombienne qui a obligé les Farc pour la première fois à assumer cette question, peut aider le processus" de paix. "Divers indicateurs montrent que la violence contre les civils s'est réduite", ajoute-t-il.

Du côté de l'armée, les exécutions extrajudiciaires de "faux positifs", nom donné aux civils abattus et présentés comme des guérilleros, demeurent une forte préoccupation. L'ONU s'alarme de voir que 48 affaires de ce type ont été traduites en 2013 devant une juridiction militaire et non civile, contrairement aux engagements de l'Etat.

Les violations des droits humains pourraient à terme mettre d'autant plus en péril le processus de paix que les Colombiens redoutent une impunité pour les rebelles comme les militaires.

La démobilisation de quelque 30.000 paramilitaires au milieu des années 2000, restés en liberté pour la quasi-totalité en échange d'aveux, en est un exemple patent. "Ce sont aujourd'hui les groupes qui commettent le plus souvent des violations", souligne M. Howland, en référence aux bandes criminelles issues d'ex-milices paramilitaires et qui se livrent au narcotrafic ou à l'exploitation de mines illégales.

"Nombre de communautés vivant en zone de conflit voient le processus de paix avec beaucoup de scepticisme et d'incrédulité", indique à l'AFP Christian Voelkel, analyste en Colombie pour l'ONG International Crisis Group. "Cela reflète autant la violence quotidienne que l'expérience de la négociation avec les paramilitaires", ajoute-t-il.

L'une des priorité consiste pour lui à "récupérer leur confiance et présenter des avancées rapides et tangibles en matière de sécurité".

Eduardo Carreño, l'un des fondateurs d'un collectif d'avocats colombiens, estime aussi que "les pourparlers de paix n'améliorent pas la situation des droits de l'homme". Pour autant, les suspendre aboutirait à "une forte hausse des violations".

Dénonçant un taux d'impunité de 98% , cet avocat rappelle que 39 activistes ont été assassinés l'an dernier, notamment des leaders paysans pour la restitution de terres.

Expert de l'ONU, dont il dirige la Division des opérations sur le terrain, Anders Kompass a vécu en 2002 en Colombie la précédente tentative de négociations avec la principale rébellion, qui compte encore près de 8.000 combattants selon les autorités.

"Ce processus avait échoué en raison des violations flagrantes, massives, horribles des droits de l'homme et du droit humanitaire", assure-t-il.

pz/emb

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