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L'Espagne rend hommage à Adolfo Suarez, "architecte" de la démocratie

L'Espagne rend hommage à Adolfo Suarez, "architecte" de la démocratie

Certains ont attendu cinq heures, dans le froid. Des milliers d'Espagnols ont défilé lundi dans la chapelle ardente dressée dans la Chambre des députés à Madrid pour rendre hommage à Adolfo Suarez, premier chef de gouvernement après la dictature franquiste, décédé dimanche.

En fin de journée, une immense file d'attente serpentait sur au moins deux kilomètres. En sept heures, selon les estimations du Congrès, environ 10.000 personnes étaient passées dans la chapelle ardente.

Tôt le matin, ils étaient déjà des centaines à attendre, la plupart ayant vécu l'époque de la transition, lorsque le cortège funèbre est arrivé, et ont applaudi longuement sur son passage.

Enveloppé du drapeau espagnol or et rouge, le cercueil porté par huit militaires est alors entré par l'imposante Porte des Lions du Congrès, exceptionnellement ouverte, pour être déposé dans le salon d'apparat orné de gigantesques gerbes de fleurs.

Sur toutes les lèvres, une même phrase: "C'est le meilleur chef de gouvernement qu'ait connu l'Espagne".

"Une grande peine", a confié, ému, le roi Juan Carlos, venu rendre hommage à celui qu'il qualifiait dimanche "d'ami fidèle et collaborateur exceptionnel" avec lequel il a mené la transition démocratique, après la mort de Francisco Franco le 20 novembre 1975 et près de quatre décennies de dictature.

La dépouille, accompagnée par la famille, venait d'être accueillie par le chef du gouvernement Mariano Rajoy et, côte à côte, ses trois prédécesseurs encore en vie, les socialistes Felipe Gonzalez et José Luis Rodriguez Zapatero, et le conservateur José Maria Aznar.

"Jamais plus nous n'aurons un chef de gouvernement comme lui. Ils l'ont détruit parce qu'il n'était ni de droite, ni de gauche. Il était très honnête", affirmait Maria Dolores Carmona Gonzales, une retraitée de 68 ans.

"Il a su parler avec ses ennemis", ajoutait Maria Jesus Fernandez, 64 ans, rappelant le talent de négociateur de celui dont tous saluaient la stature d'homme d'Etat.

Peu après midi, le public, défilant à pas lents, certains les larmes aux yeux, a pu pénétrer dans la chapelle ardente installée pour 24 heures dans la Salle des pas perdus, aux riches dorures néo-classiques.

Juan Perez, étudiant en histoire à Madrid, n'a que 24 ans mais il s'incline, ému comme les plus anciens, devant la dépouille de cet "architecte de la démocratie".

"En Espagne, il y a un avant et un après Suarez. Pour moi, c'est très émouvant d'être ici", confiait-il.

Désigné chef du gouvernement en juillet 1976 par le roi, Adolfo Suarez, qui fut un cadre du franquisme avant de prendre la tête du parti centriste UCD (Union du Centre Démocratique), a mené les grandes réformes qui ont permis à l'Espagne de tourner la page de la dictature: légalisation des partis politiques, y compris celle, controversée, du Parti communiste, en avril 1977, amnistie des prisonniers politiques et rédaction, puis approbation par référendum, le 6 décembre 1978, de la Constitution.

A partir de 1979 cependant, sa popularité s'est effritée, plombée par la crise économique, l'agitation des militaires, les questions sur l'autonomie des régions et l'action violente du groupe indépendantiste basque ETA.

Il démissionnera en janvier 1981, quelques semaines avant la tentative de coup d'Etat du 23 février, finalement bloquée par le roi.

Des gardes civils putschistes menés par le lieutenant-colonel Antonio Tejero avaient fait irruption dans l'hémicycle du Congrès le jour même de la passation de pouvoir entre Adolfo Suarez et son successeur, Leopoldo Calvo Sotelo.

"Je me souviens du 23 février. Je l'ai vu très courageux, très serein. Je suis venue le remercier pour ce qu'il a fait", témoignait lundi Juani Hernanz, une chômeuse de 52 ans.

Adolfo Suarez aura passé la dernière partie de sa vie retiré, atteint depuis une dizaine d'années de la maladie d'Alzheimer. "Mon père ne se souvient plus qu'il a été chef du gouvernement", confiait en 2005 son fils, Adolfo Suarez Illana.

Trois jours de deuil national ont été décrétés. Ses obsèques seront célébrées mardi à la cathédrale d'Avila, dans le centre de l'Espagne, la région où il était né le 25 septembre 1932, avant les funérailles d'Etat le 31 mars à la cathédrale de la Almudena de Madrid.

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