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Adolfo Suarez, l'homme de la "transition" de l'Espagne vers la démocratie

Adolfo Suarez, l'homme de la "transition" de l'Espagne vers la démocratie

Premier chef de gouvernement de la démocratie espagnole, mais aussi héritier du franquisme, Adolfo Suarez, mort dimanche à 81 ans, est l'une des figures les plus emblématiques de la délicate période de transition qui a permis à l'Espagne de tourner la page de la dictature.

Avec son grand ami, le roi Juan Carlos, cet homme ingénieux et charismatique, membre de l'appareil franquiste, fut l'un des principaux protagonistes des premières années de fragile démocratie qui suivirent la mort de Francisco Franco en 1975.

Dans une société espagnole avide d'espoirs, la popularité de cet homme charmant, catholique et monarchiste, n'avait alors pas tardé à exploser.

Son talent reconnu de conciliateur fut notamment crucial, à l'heure où les partis politiques récemment créés devaient s'accorder sur la rédaction d'une nouvelle Constitution.

Son défi fut alors de "rendre normal ce qui, dans la rue, est simplement normal", déclarait-il dans un de ses premiers discours.

Fils d'un républicain, d'origine modeste, ce diplômé en droit fut d'abord, sous le régime franquiste, gouverneur de la province de Ségovie, dans le centre de l'Espagne, et directeur général de la radio et télévision publique (1969-1973).

En 1975, il est nommé secrétaire adjoint du "Mouvement", un groupe d'inspiration fasciste auquel appartenaient le parti et le syndicat uniques du régime.

A la mort de Francisco Franco, le 20 novembre 1975, son dauphin désigné, le roi Juan Carlos, prend les rênes du pays. Moins d'un an plus tard, en juillet 1976, ce dernier nomme Adolfo Suarez à la tête du gouvernement. Il a alors moins de 44 ans.

"Ils s'entendaient merveilleusement bien, de par leur projet politique, leur âge et leur façon d'être", expliquera la reine Sofia à sa biographe, Pilar Urbano.

Son mandat fut ratifié dans les urnes aux premières élections démocratiques organisées après la dictature, le 15 juin 1977, auxquelles il se présentait en tant que chef de file du parti centriste Union du Centre Démocratique (UCD).

C'est sous son gouvernement que sont ensuite adoptées les principales réformes ayant permis à l'Espagne de passer de la dictature à la démocratie : légalisation de tous les partis, y compris autorisation controversée du Parti communiste, en avril 1977, amnistie des prisonniers politiques et rédaction, puis approbation par référendum, le 6 décembre 1978, de la Constitution.

"La Constitution ne réglera pas nos problèmes, mais nous serons tous les protagonistes de notre Histoire", disait-il alors.

A partir de 1979, la popularité d'Adolfo Suarez s'effrite, plombée par la crise économique, l'agitation des militaires, les questions sur l'autonomie des régions espagnoles et l'action violente du groupe indépendantiste basque ETA.

"La période de la transition est terminée. En deux ans, nous avons transformé un système autoritaire en une démocratie pluraliste", lance-t-il au moment où son pays se prépare à de nouvelles élections.

Mais après sa seconde victoire électorale le 1er mars 1979, acculé par les tensions internes à son parti, privé du soutien du roi, il démissionne par surprise en janvier 1981.

Il ne reste alors que quelques jours avant la tentative de coup d'Etat du 23 février, finalement déjouée par le roi Juan Carlos.

"Il s'est écroulé psychologiquement après (...) cinq ans passés au gouvernement à faire face à des circonstances très difficiles", analysait l'historien Javier Tusell.

Adolfo Suarez se présente toutefois aux élections de 1982 à la tête d'un nouveau parti centriste, le Centre Démocratique et Social, mais doit finalement s'incliner face au socialiste Felipe Gonzalez.

Déjà divisé lorsqu'il était au pouvoir, le centre achève ensuite de se fragmenter, jusqu'à sa disparition.

Nommé duc de Suarez par le roi, qui lui a également décerné la Toison d'or, la plus haute distinction espagnole, en 2008, Adolfo Suarez a passé les dernières années de sa vie à l'écart du monde, souffrant de la maladie d'Alzheimer depuis les années 2000.

"Mon père ne se souvient plus qu'il a été chef du gouvernement", avait déclaré son fils Adolfo -ils portent le même prénom-, en 2005, reconnaissant pour la première fois publiquement sa maladie.

Né le 25 septembre 1932 à Cebreros, dans la province d'Avila, dans le centre de l'Espagne, père de cinq enfants, il avait perdu sa femme, Amparo Illana, en 2001, puis une fille en 2004.

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