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Eléonore, 28 ans, trisomique et "indépendante", voudrait changer le regard des autres

Eléonore, 28 ans, trisomique et "indépendante", voudrait changer le regard des autres

A sa naissance, Eléonore Laloux a été décrite à ses parents par l'obstétricien comme une "aberration chromosomique", n'ayant que quelques semaines à vivre. Aujourd'hui âgée de 28 ans, elle travaille, habite seule et combat la stigmatisation des trisomiques.

A l'occasion de la Journée mondiale de la Trisomie 21, vendredi, la jeune porte-parole du collectif "Les amis d'Eléonore" publie "Triso et alors!", co-écrit avec le journaliste Yann Barte. Elle y raconte sa vie avec "un chromosome en plus".

Principale cause génétique de déficit mental, la trisomie 21 concerne 65.000 personnes en France et quelque 60 millions dans le monde.

Les parents d'Eléonore se sont toujours battus pour qu'elle soit scolarisée en milieu ordinaire, et non dans des établissements pour handicapés.

Elle se souvient des moqueries dans la cour de récréation, quand elle était en classe spécialisée au collège. "On me regardait un peu de travers, un peu méchamment. Dans le car, les grands m'ont mis du chewing-gum dans les cheveux au moins deux fois".

Aujourd'hui, elle s'attire encore parfois des regards insistants quand elle prend le bus pour se rendre à son travail, au service facturation de l'hôpital d'Arras (nord) où elle travaille depuis bientôt six ans. "Je les ignore", dit-elle. "Je suis comme les autres, je peux être indépendante et avoir une vie normale". Elle déteste aussi quand on lui parle "gaga".

Ce qu'elle préfère au travail, c'est "la mise sous pli et le classement alphabétique". Ses après-midis sont consacrés à ses diverses activités: "mercredi cours de guitare électrique, jeudi orthophoniste, vendredi kiné".

L'espérance de vie des trisomiques a beaucoup augmenté ces dernières années et est aujourd'hui supérieure à 50 ans en France, grâce aux progrès de la médecine et au suivi paramédical.

Depuis deux ans et demi, Eléonore a son propre appartement dans une résidence intergénérationnelle d'Arras, l'Ilot Bon Secours, où 10 logements sont occupés par des trisomiques, les autres par des personnes âgées et des familles.

Elle ne souffre pas de la solitude, mais rentre chez ses parents tous les week-ends, "pour faire une coupure".

La semaine, une auxiliaire de vie vient l'aider, "une heure par jour sauf le jeudi", à faire le ménage, préparer le repas ou trier ses vêtements.

Elle tient à jour des répertoires. "En ce moment, je lis 30 Millions d'Amis. S'il y a un mot compliqué, j'ouvre mon répertoire, je note le mot, je cherche dans le dictionnaire et j'écris la définition. C'est pour faire travailler mon intelligence", raconte cette petite femme de 1,41 mètre, vêtue de couleurs vives avec bijoux et lunettes assortis.

"Eléonore n'a pas fini d'apprendre", souligne son père, Emmanuel Laloux, un ancien professeur d'arts plastiques reconverti dans la communication. Il est président de l'association Down Up, partie prenante du projet de l'Ilot Bon Secours, qu'il décrit comme "unique en France".

Le projet a été conçu pour amener les jeunes trisomiques "vers l'autonomie", explique-t-il. "L'objectif à terme est qu'ils se créent un tissu social suffisamment important pour que les choses continuent, le jour où on disparaîtra".

L'association les aide à travailler sur "l'auto-détermination". "Une personne ayant une trisomie a un lien affectif très fort avec sa famille et ses proches, et souvent ses décisions dépendent de ce lien affectif. On essaie de créer un espace qui leur permette de décider d'eux-mêmes", explique Emmanuel Laloux.

Récemment, Eléonore a passé des examens pour ses problèmes cardiaques, et va peut-être devoir subir une opération "assez lourde et douloureuse. C'est moi qui vais prendre la décision", affirme-t-elle. "Pour l'instant, je ne me sens pas prête".

Eléonore a un amoureux, Robin, également trisomique, avec lequel elle "fait des soirées à deux une fois par semaine".

Selon les spécialistes, la trisomie 21 concerne environ une conception sur 700 et une naissance vivante sur 2.000 en France, du fait des avortements des foetus soupçonnés d'être porteurs de la trisomie.

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