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Jean-Pierre Mocky aux jeunes cinéastes: tourner ce qu'on a envie de tourner

Jean-Pierre Mocky aux jeunes cinéastes: tourner ce qu'on a envie de tourner

A bientôt 81 ans, le réalisateur français Jean-Pierre Mocky n'a rien perdu de son mordant. A l'heure où il sort une biographie "La longue marche", et accessoirement un nouveau film, il conseille aux jeunes de toujours tourner ce qu'ils ont envie de tourner.

"Il ne faut pas dévier. Beaucoup de réalisateurs ne font pas ce qu'ils avaient décidé. Ils rentrent dans le système où on leur dit +faites ceci+ ou cela et ils le font car c'est plus facile", assure dans un entretien à l'AFP le cinéaste, pour qui "un film doit servir à quelque chose".

"Et quand ils veulent revenir à du plus original, on ne les laisse pas faire", dit encore cet observateur des dérives humaines, entre comédies satiriques -"Un drôle de paroissien", "Le miraculé", "la grande lessive"- et thrillers sociaux, contestataires ou noirs "Crédit pour tous", "Ville à vendre", "Solo", "L'Albatros", "Argent trouble" etc..

Dans cet ouvrage sous la forme d'entretiens avec le journaliste Noël Simsolo (Ed. Neige/Ecriture), Mocky distribue ses bons et mauvais points, au gré d'une vie riche en rencontres.

Et pour cause. Il a été soutenu par les Bourvil, Francis Blanche, Michel Serrault et tant d'autres acteurs qui ont tourné pour lui à peu de frais.

Jeune, il a été hébergé chez le comédien Pierre Fresnay, puis par le réalisateur Claude Autant-Lara. Il a même été le secrétaire particulier de Erich Von Stroheim!

Mocky, né Mokiejewski le 6 juillet 1933 de parents juifs, tchétchène pour le père, polonais pour la mère, a commencé sa carrière comme comédien, jusqu'en Italie chez Michelangelo Antonioni.

"J'étais narcissique car j'avais un physique avantageux", et puis "au bout d'un moment le côté narcissique a disparu", dit-il d'autant qu'il n'avait pas les meilleurs rôles pris par les Gérard Philippe et autres Daniel Gélin.

Sa première idée de film est "La tête contre les murs", adapté d'André Bazin. Une évidence alors qu'un cousin à lui est devenu fou après un séjour en camp de concentration. C'est Georges Franju qui le réalisera: "On me trouvait trop jeune".

En revanche, "Les dragueurs" en 1959 sera signé Mocky. C'est l'époque de la Nouvelle Vague (Truffaut, Chabrol, Godard, etc.) dont il ne fera pas partie.

Suivra une carrière en dents de scie, avec quelques grands succès et beaucoup d'échecs.

Qu'importe! Mocky vit et finance chaque année encore trois films, dans lesquels il joue encore ou pas, montrés dans quelques festivals régionaux ou dans son cinéma du quartier latin à Paris, faute de distributeur.

Son catalogue (DVD et ventes à l'étranger) lui assure assez de revenus pour trouver les quelque 200.000 euros nécessaires à chaque tournage, d'une durée de 15 jours seulement.

"Je me retrouve dans la situation de 1959 après une longue carrière de 67 longs métrages et l'impression de recommencer à zéro!".

Regrettant de ne plus trouver de producteurs et banquiers prêts à prendre des risques "comme avant", il assure "avoir été mis à l'index parce qu'il faisait "des films sur la corruption, la politique, la religion, etc.. J'attaquais la bourgeoisie et les bien-pensants".

Alors que la polémique n'est toujours pas éteinte sur les salaires de certains acteurs ou réalisateurs, il répond en souriant: "tous mes films ont coûté le prix d'un seul film d'aujourd'hui: entre 20 et 25 millions!".

Mocky l'octogénaire a encore plein de films en tête dont un sur des SDF et un autre sur des maisons de retraites qu'il a toujours du mal à financer malgré "une distribution exceptionnelle".

Il n'a pas beaucoup de regrets sauf de ne pas être entouré d'une tribu comme les Chaplin, lui le père de "17 enfants".

Un seul de ses films ne trouve pas grâce à ses yeux "Le roi des bricoleurs": "un sujet pas intéressant".

S'il refuserait un César d'honneur, il est ravi de la rétrospective que la Cinémathèque française lui consacre fin juin. Même si "ça sent le cimetière!", s'esclaffe-t-il.

da/pjl/alc

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