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En Crimée, la course au passeport russe est lancée

En Crimée, la course au passeport russe est lancée

Une petite dame blonde entrouvre la porte, quarante personnes l'assaillent de questions: des habitants de Simféropol, pressés d'obtenir la nationalité russe auprès du "bureau des passeports" local, après le rattachement mardi de la Crimée à la Russie.

La malheureuse fonctionnaire distribue hâtivement des bouts de papier avec la liste des pièces nécessaires: certificat de naissance, ancien passeport, photo et 200 roubles --la nouvelle monnaie officielle-- soit environ 4 euros.

Elle tente aussi de répondre aux interrogations de la petite assemblée, dont l'affection pour la Russie se devine aisément: l'une porte un petit ruban blanc, bleu et rouge, l'autre un maillot de football de l'équipe nationale. Beaucoup sont venus avec des drapeaux.

Selon l'accord passé entre la Russie et la République de Crimée, "les citoyens ukrainiens et apatrides vivant en permanence en République de Crimée" ont un mois pour exprimer leur volonté de rester ukrainien, faute de quoi ils deviendront automatiquement russes.

Konstantin, 40 ans, front large et t-shirt Sylvester Stallone, n'a pas attendu 24 heures pour venir réclamer sa nouvelle nationalité. "J'en ai eu ma dose du passeport ukrainien pendant 22 ans", lâche-t-il, le sourire en coin.

A ses côtés, Natalia, 29 ans, espère recevoir le document "dans une semaine maximum". "Pour l'instant, le passeport ukrainien reste en vigueur, donc on aura les deux pendant un certain temps", dit-elle. "Mais après, il est fort probable que plus personne ne le reconnaîtra".

La législation ukrainienne n'accepte pas la double nationalité.

Dans un autre quartier de la ville, le bureau des passeports est une petite maison rose pâle, perdue au milieu d'immeubles grisâtres et vieillissants. Face à l'urgence, on ne s'occupe plus ici que de la question des passeports.

A l'intérieur, ils sont une bonne cinquantaine, essentiellement des jeunes hommes, à attendre leur tour dans une agitation bon enfant.

Parmi eux, Dmitri, la quarantaine bedonnante, s'accroche à ses documents. Il a toujours vécu à Simféropol et se considère depuis son enfance comme "un Criméen". "Mais maintenant, je suis Russe", ajoute-t-il crânement. Avec son nouveau passeport, il se sentira "plus fort". Il espère aussi "gagner des droits".

"C'est la réunification de la civilisation russe", développe-t-il, et la fin de "l'occupation ukrainienne" sous laquelle il dit avoir vécu depuis l'indépendance du pays en 1992. Que va-t-il faire de son vieux passeport ? "Poubelle !", répond-il.

Ceux qui demandent la nationalité russe sont supposés présenter un tampon sur leur passeport attestant qu'ils vivent en Crimée. "Mais ce genre de chose, ce n'est pas vraiment un problème", affirme un homme dans la file.

Vingt kilomètres plus au sud, dans le village qui jouxte la base militaire de Perevalne, un groupe de femmes attend l'arrivée d'un officiel russe des migrations. Elles ont dressé une liste informelle des personnes qui demandent des passeports: 53 noms, parfois ceux de familles entières.

"Moi, j'en veux un", dit l'une d'elle, qui s'inquiète quand même de savoir si elle pourra garder son passeport ukrainien.

Reste à régler le cas de ceux qui veulent rester en Crimée sans changer de nationalité, à l'image d'Anastassia, frange blonde, une étudiante en russe, ukrainien et polonais aspirant à devenir interprète.

Parmi ses amis et les membres de sa famille, elle est la seule à faire ce "choix difficile".

"Avant les évènements, j'étais d'abord une Criméenne. Mais maintenant, je me sens Ukrainienne. Et surtout je ne veux pas être Russe !", affirme cette jeune femme énergique.

"Les gens du Maïdan ont montré qu'ils avaient des idées, ceux de Crimée ne les ont pas suivi. Je ne veux pas en faire partie", ajoute-t-elle.

Jeudi, le chef du service russe des migrations, Konstantin Romodanovski n'a pas su préciser comment vivraient et travailleraient ces Criméens qui resteront ukrainiens. "Nous avons des tâches prioritaires à accomplir", a-t-il affirmé.

Le nouveau Premier ministre de Crimée, Sergueï Axionov, a pour sa part annoncé qu'il avait obtenu son passeport russe.

zap-ma-lap/via/bir

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