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En Centrafrique, le crime plutôt que le jihad

En Centrafrique, le crime plutôt que le jihad

Etat en faillite et traque des musulmans peuvent faire craindre une possible implantation de groupes jihadistes en Centrafrique, mais pour de nombreux experts le principal risque est la criminalisation du pays.

"La secte islamique (nigériane) Boko Haram n'est pas loin, Aqmi (Al-Qaïda au Maghreb islamique) non plus. Ils peuvent vouloir profiter de la situation, justifier la défense des musulmans (...) par des actions violentes et s'installer dans le nord", s'inquiétait il y a quelques jours le ministre des Affaires étrangères centrafricain, Toussaint Kongo Doudou, dans un entretien à l'hebdomadaire français le Nouvel observateur.

"Il faut rappeler que les jandjawids (milices arabes du Soudan) faisaient partie des mercenaires qui ont aidé Michel Djotodia à prendre le pouvoir (à Bangui en mars 2013, à la tête de la rébellion Séléka à dominante musulmane). Si ces groupes s'installent au nord, ce sera irréparable", selon M. Kongo Doudou.

Le départ du pouvoir provoqué par l'intervention française en décembre 2013 de la Séléka, qui a commis nombre d'exactions envers les civils, a entrainé une réaction de milices chrétiennes qui traquent les musulmans, assimilés aux Sélékas.

Dès l'an dernier, le président François Hollande agitait le spectre d'une "somalisation" du pays, où le vide sécuritaire et l'absence d'Etat risquaient d'attirer les groupes armés de la région.

De fait, des groupes jihadistes se sont emparés de la crise centrafricaine. "Ni Hollande, ni ses soldats ne connaîtront la paix en France à moins que les musulmans du Mali et de Centrafrique ne la vivent concrètement chez eux", menaçait début mars un document posté sur "La plateforme médiatique des Moujahidine", proche d'Al-Qaïda.

Mais les observateurs s'accordent à dire que le risque jihadiste en Centrafrique, où l'islam est très minoritaire, n'est pas à l'ordre du jour pour le moment.

Selon Roland Marchal, spécialiste des conflits en Afrique centrale, l'implantation de groupes extrémistes nécessite "une maturation idéologique, des réseaux de soutien au sein de la population".

Or, "les combattants Séléka (majoritairement musulmans) n'ont pas du tout un discours religieux sur la politique et la violence", relève M. Marchal, citant le cas du numéro 2 des Séléka, Noureddine Adam: "Quand on le voit fumer ses gros cigares avec des hommes d'affaires dans de confortables fauteuils, on se dit qu'il n'a pas vraiment le profil d'un salafiste".

"Je ne pense pas qu'il y ait des connexions entre les Séléka et des islamistes quelconques pour l'instant (...) mais l'infiltration de groupes venus du nord ou de l'ouest n'est pas impossible", relève, prudent, Philippe Hugon, directeur de recherche à l'Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS) à Paris.

"On pensait que le Mali ne pouvait pas être touché par l'intégrisme, que les jihadistes ne pourraient pas s'implanter dans le nord car les groupes touaregs les en empêcheraient...", rappelle-t-il.

La présence jihadiste "n'est pas une réalité flagrante que l'on voit resurgir là où nous sommes", dans l'ouest du pays, affirme également un responsable français de la Défense, sous couvert d'anonymat.

En revanche, si l'on s'approche de la région dite "des trois frontières", Soudan, Tchad, RCA, "ce sont des zones où il peut y avoir des individus qui traversent" des frontières passoires, reconnaît-il.

"Dès lors qu'il n'y a pas d'Etat pour assurer le contrôle du territoire, cela peut favoriser toutes sortes d'activités criminelles: le vide attire", explique Philippe Hugon.

La donne n'est pas nouvelle dans ce pays qui a connu depuis son indépendance en 1960 une succession de coups d'Etat et de rébellions qui, bien avant l'arrivée des Séléka, s'étaient déjà arrogé le contrôle de portions du territoire.

Certaines régions diamantifères attisent les convoitises, comme dans l'est. "Ce sont plutôt les Séléka qui contrôlent l'exploitation des mines de diamants", en dehors de tout circuit officiel, selon M. Hugon.

Contrairement aux trafics d'armes ou de drogues nécessitant des routes praticables et des pistes d'aviation, le diamant est facilement transportable, dans un pays où le moindre trajet peut prendre des jours, surtout en saison des pluies.

Autre activité lucrative pour les bandes armées de la région: le braconnage. L'ONU soupçonne l'Armée de résistance du seigneur (LRA) de Joseph Kony, une guérilla ougandaise particulièrement sanguinaire présente dans l'est de la Centrafrique, de se financer par le trafic d'ivoire.

Des experts évoquent en outre l'implication des Janjawids soudanais dans le trafic d'animaux sauvages. Une résolution adoptée fin janvier sur la RCA prévoit des sanctions envers les individus impliqués dans ces trafics.

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