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Centrafrique: malgré la peur, le trafic commercial reprend sur la principale route vers le Cameroun

Centrafrique: malgré la peur, le trafic commercial reprend sur la principale route vers le Cameroun

Ciment, billes de bois, nourriture: entre le Cameroun et la Centrafrique, le trafic commercial a repris, escorté par l'armée française, même si les chauffeurs camerounais redoutent toujours les violences qui déchirent des régions entières sur le chemin de Bangui.

Après trois jours de voyage en Centrafrique, un convoi de 40 véhicules est arrivé en fin de semaine au poste-frontière de Garoua-Boulaï, ville camerounaise à 500 km de Yaoundé, stratégiquement située sur l'axe reliant Bangui au Cameroun.

"Je suis soulagé d'être revenu sain et sauf. Nous avons été escortés jusqu'à la frontière par les (forces françaises) Sangaris, mais le trajet ne rassure pas. Il y a encore du désordre", affirme un jeune conducteur de camion camerounais, Augustin Tsafack, qui vient d'effectuer son premier voyage depuis le début de la crise centrafricaine il y a un an.

"La situation a failli dégénérer dans la ville de Baoro lorsqu'un anti-balaka (miliciens majoritairement chrétiens) a constaté qu'un camionneur camerounais (musulman) voulait faire sa prière", rapporte-t-il.

"L'armée française a alors appelé des renforts de la Misca (force africaine), mais nous avons passé toute la nuit éveillés. Nous avions peur parce que les anti-balaka avaient promis de nous attaquer", raconte-t-il.

Autour d'Augustin Tsafack, la plupart des chauffeurs affichent une mine fatiguée, les yeux cernés, et s'empressent de continuer leur route en direction de l'intérieur du Cameroun, après la fouille systématique et minutieuse effectuée par des policiers et militaires sur le qui-vive.

Des dizaines de réfugiés centrafricains ont eux aussi traversé la frontière pour se mettre à l'abri des violences, à pied et chargés de tout ce qu'ils ont pu emporter: lits, matelas et ustensiles de cuisine...

La route reliant Bangui au Cameroun est essentielle pour approvisionner la capitale centrafricaine où l'économie est à plat depuis un an.

Environ 600 camions transitaient chaque semaine sur cet axe de 800 km, avant la crise qui a précipité le pays dans l'anarchie et les violences interconfessionnelles entre chrétiens et musulmans. Mais le trafic est fortement perturbé depuis par les groupes armés qui sévissent dans la région, les pillards et les coupeurs de route.

Depuis une dizaine de jours, les soldats français sont parvenus à rétablir "40 à 50%" du volume d'avant la crise, avec trois voyages sécurisés par semaine entre Garoua-Boulaï et Bangui, selon l'état-major de l'armée française.

"Si le fret alimentaire n'arrive pas à Bangui, nous irons à coup sûr vers une crise supplémentaire", la détérioration de la situation humanitaire s'ajoutant à la crise sécuritaire, a affirmé jeudi le colonel Gilles Jaron, porte-parole de l'état-major français. L'enjeu est crucial avant le début de la saison des pluies mi-avril, qui rendra les conditions de circulation encore plus difficiles.

Mais parmi les chauffeurs qui ont osé tenter le voyage ces derniers jours, beaucoup hésitent à y retourner, apeurés par les rumeurs de nouvelles attaques entre groupes armés.

"Les Sangaris font bien leur travail, mais les anti-balaka sont imprévisibles", confie sous anonymat un autre camionneur repartant vers Douala (sud), la capitale économique du Cameroun, à plus de 750 km de là.

"Nous allons attendre au moins jusqu'à la fin de ce mois parce qu'il se murmure que les Séléka s'apprêtent à revenir (combattre les anti-balaka) ces jours-ci", explique Augustin Tsafack, qui ne se dit "pas prêt" à repartir à Bangui tout de suite.

A Garoua-Boulaï, un nouveau convoi chargé de marchandises s'apprête lui à prendre la route. Les conducteurs de véhicule se sont regroupés à la frontière, dans une zone sécurisée par la Misca d'où ils partiront escortés jusqu'à Bangui.

"J'ai peur. J'ai dit adieu à ma femme en partant de la maison. Je lui ai demandé d'être forte si jamais je ne revenais pas", confie Paul Mbong Bekolo, un chauffeur qui s'apprête à acheminer 27 tonnes de ciment à Bangui.

rek-cl/de

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