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Grèce: le livre d'un extrémiste enflamme le débat sur les libertés

Grèce: le livre d'un extrémiste enflamme le débat sur les libertés

La publication et les bonnes ventes d'un livre sur le groupe meurtrier d'extrême gauche grec du 17 Novembre (17-N), écrit par son chef opérationnel, incarcéré depuis douze ans et à perpétuité, ravive en Grèce les questions sur la démocratie.

Le débat était vif mardi soir à la librairie athénienne "Free Thinking Zone" ("Zone de libre pensée"), qui a annoncé qu'elle ne proposerait pas à la vente "Né le 17 novembre", les mémoires de Dimitris Koufontinas, 56 ans, auteur de onze meurtres et nombreux attentats de cette organisation de guérilla urbaine démantelée en 2002.

Le livre s'est déjà écoulé à 15.000 exemplaires en cinq jours, selon l'éditeur, dans un pays où le taux de ventes des livres est traditionnellement bas.

"Comment une maison d'édition grand public se permet-elle de publier ce livre?" "Donner la parole à un terroriste n'équivaut-il pas à la promotion de la violence?", s'interrogeaient les participants.

"Free Thinking promeut la culture, dans cette librairie la violence est censurée, et on va y apprendre ce qu'est la culture", a lancé la directrice Areti Georgili.

La majorité des intervenants ont fortement critiqué l'éditeur Livanis, "de vouloir faire de l'argent avec le récit d'un serial killer ayant agi sous couverture révolutionnaire" selon l'un d'eux, ou "d'exploiter la douleur des victimes" du terrorisme, selon un autre.

Dans sa note d'introduction, Livranis relève quand même que la publication a été décidée par "fidélité au principe d'enquête sur les périodes critiques" de l'histoire et ne signifie pas que l'éditeur "partage ou s'identifie aux pensées des auteurs".

"Certains plaisantent autour de cercueils, nous en sommes tous responsables", a souligné lors du débat Kostas Bakoyannis, maire d'une commune du centre du pays, dont le père, député de droite, fut assassiné par 17-N en 1989 alors qu'il avait onze ans.

Il a salué la décision de la librairie de ne pas vendre le livre au nom de la "lutte contre le terrorisme".

Au contraire, le responsable de la section grecque de la Ligue des Droits de l'Homme, et juriste à l'université de Pantion à Athènes, Dimitris Christopoulos, a estimé que "chacun est libre de vendre ce qu'il veut" mais que l'annonce publique que cette librairie "ne vend pas de Koufontinas" est "dangereuse (...) car le dialogue public se restreint".

Selon lui, cela aboutit en quelque sorte "à créer des magasins de catéchisme", et il vaudrait mieux parler de "Zone de notre pensée", que de "Zone de libre pensée".

"La démocratie a des règles et son plus grand ennemi est celui qui tue", rétorque Antigoni Limberaki, membre du petit parti libéral Drassi.

Cependant, Maria Papagéorgiou, propriétaire d'une autre librairie du centre d'Athènes, juge "exagérée" la décision de sa collègue.

"Les livres sont là pour éclairer les évènements, qu'on soit d'accord ou pas", note-t-elle.

La question du terrorisme en Grèce, où de nouveaux groupes sont apparus après 17-N, dont certains restent encore actifs, a resurgi ces derniers mois après la volatilisation en janvier, lors d'une permission de sortie, de Christodoulos Xiros, membre du 17-N, condamné également à la perpétuité.

Dimitris Koufontinas, qui avait assumé publiquement "la responsabilité politique" des actions du 17-N, raconte en 480 pages son engagement et son parcours dans l'organisation, jusqu'à sa reddition à la police antiterroriste en septembre 2002, deux mois après l'arrestation de la majorité de ses camarades.

Responsable de dizaines d'attentats et de 23 assassinats de personnalités grecques et étrangères entre 1975 et 2000 à Athènes, dont l'ancien chef de la CIA en Grèce, mais aussi des banquiers, des patrons de presse ou des diplomates, le 17-N a marqué l'histoire contemporaine du pays.

"J'ai acheté le livre par curiosité pour comprendre le parcours de cet homme, sa dérive. Je me retrouve dans ses combats de jeunesse, je veux comprendre la suite de son parcours", explique pour sa part Kostas P., l'un des milliers de Grecs s'étant précipités pour acheter l'ouvrage.

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