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Jour de verdict au premier procès français sur le génocide rwandais

Jour de verdict au premier procès français sur le génocide rwandais

Un tribunal français rend vendredi son verdict dans le procès de Pascal Simbikangwa, le tout premier organisé en France sur le génocide des Tutsi au Rwanda, 20 après des massacres dans lesquels le rôle de Paris a été très critiqué.

Arrêté pour trafic de faux papiers dans l'île française de Mayotte, Pascal Simbikangwa est jugé par la cour d'assises de Paris au titre de la "compétence universelle" conférée par des accords avec le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR).

L'accusation a demandé la perpétuité contre un "donneur d'ordre", "génocidaire négationniste". La défense, fustigeant un "château de cartes" construit dans un but "politique" sur des témoins pas fiables, guidés par la rancune, l'endoctrinement ou la peur, a réclamé l'acquittement.

Les jurés français chargés de juger des faits remontant à deux décennies, dans un petit pays africain distant de 6.000 kilomètres, devront choisir entre ces deux visions de l'ex-capitaine de la garde présidentielle.

Agé aujourd'hui de 54 ans, cloué dans un fauteuil roulant depuis un accident en 1986, il nie en bloc et n'a eu de cesse, au long des six semaines de procès, de minimiser son rôle et sa compréhension des massacres.

A la stupéfaction générale, il a assuré dès le troisième jour n'avoir vu aucun cadavre pendant les 100 jours d'horreur où 800.000 personnes, principalement des Tutsi, ont été massacrées entre avril et juillet 1994.

Aux questions quotidiennes sur le sujet, il répondait que son handicap l'obligeait à rester "un peu couché" quand il sortait en voiture. Et de s'enflammer: "Mais à quoi ça me sert de dire que je n'ai pas vu de corps? Vous voulez que je voie des cadavres que je n'ai pas vus".

Cette position intransigeante ne laissait guère d'options sur la ligne de défense. D'autant que dans cette affaire sans victimes directes (seules cinq ONG sont parties civiles), tout repose sur les témoignages.

Fabrice Epstein et Alexandra Bourgeot, ses avocats, ont utilisé les témoins les plus faibles - plusieurs sont apparus formatés ou sous pression, prisonniers en attente d'une remise de peine - pour jeter le doute sur l'ensemble. Face à un procès dont "l'enjeu est politique", ils ont appelé à la révolte les six jurés populaires, accusant - hors prétoire - le président de la cour de vouloir "se faire l'accusé".

"On vous demande un jugement exemplaire. (...) Sinon l'Etat français, il ne sera pas content, l'Etat de Kigali non plus", a lancé M. Epstein. "Mais vous ne jugez pas la France de 1994", accusée par le Rwanda post-génocide d'avoir soutenu et protégé le régime hutu génocidaire.

L'accusation a cherché à préempter les doutes en abandonnant une partie des charges concernant la région natale du capitaine, Gisenyi dans le nord-ouest du pays, fief du "Hutu power" extrémiste, pour mieux se concentrer sur Kigali.

Les témoignages sur Kigali ont été les plus gênants pour l'accusé - paradoxalement, surtout ceux de Tutsi qu'il a sauvés.

Alors même que certains se confondaient en remerciements, ils ont décrit le quotidien de l'ex-capitaine rwandais, racontant l'avoir vu sortir régulièrement, afficher son autorité aux barrages où les miliciens le laissaient passer, maudire les "inyenzi" ("cancrelats" comme les extrémistes hutu désignaient les Tutsi) en écoutant la propagande haineuse de Radio Mille Collines, faire plusieurs allers-retours vers Gisenyi, stocker des armes chez lui, les distribuer. Un voisin âgé alors de 18 ans, qui l'a suivi tout du long, a évoqué de longues semaines "en enfer".

Pascal Simbikangwa est accusé d'avoir armé et encouragé les miliciens qui tenaient les barrières, "instruments de mort chargés de filtrer, d'éliminer" les Tutsi, selon l'avocat général Bruno Sturlese. Le code pénal ne distinguant pas entre instigateurs et exécutants en matière de génocide, M. Sturlese a demandé la requalification des faits en génocide et complicité de crimes contre l'humanité, là où l'ex-capitaine était initialement visé pour "complicité" des deux.

Vendredi matin, l'accusé aura le dernier mot, puis la cour se retirera pour délibérer après que le président Olivier Leurent aura lu un texte se terminant ainsi: "La loi ne leur fait (aux juges et jurés) que cette seule question, qui renferme toute la mesure de leurs devoirs: Avez-vous une intime conviction?"

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