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Pénurie et déchéance en Syrie après trois ans de conflit

Pénurie et déchéance en Syrie après trois ans de conflit

Des habitants se nourrissant d'aliments pour animaux, d'autres se contentant d'épluchures: la déchéance humaine en Syrie, notamment dans les zones assiégées par l'armée, a atteint une dimension inimaginable il y a trois ans.

A mesure que la guerre s'éternise, se multiplient les images effrayantes d'enfants émaciés ou de milliers de personnes attendant désespérément des aides.

Yarmouk, Homs, Ghouta: ces villes et localités sont devenues synonymes de misère et de pénurie, notamment en raison du siège imposé par le régime de Bachar al-Assad. Le pouvoir dit vouloir ainsi déloger les rebelles, qu'il qualifie de "terroristes", mais l'ONU et des ONG comme Amnesty l'accusent d'utiliser la faim comme "arme de guerre".

Selon un rapport publié mardi par l'Unicef, un million d'enfants se trouvent dans des zones assiégées ou impossible à atteindre et 5,5 millions en tout ont été touchés par la guerre en Syrie.

"Privés d'aide, vivant dans des décombres et luttant pour trouver de la nourriture, de nombreux enfants syriens se sont retrouvés sans aucune protection, aide médicale ou soutien psychologique et ont peu ou pas accès à l'éducation", selon le rapport.

La distribution d'aide humanitaire est entravée dans des régions rebelles du nord-est par des groupes armés hostiles aux organisations internationales, selon le Programme alimentaire mondial pour qui 500.000 personnes ne reçoivent toujours pas de nourriture.

Le camp palestinien de Yarmouk, dans le sud de Damas, était un quartier populaire et commercial où vivaient 170.000 habitants. Fin décembre 2012, il est devenu un champ de bataille avant d'être soumis en juin à un siège impitoyable.

Près de 40.000 civils palestiniens et syriens y vivent dans des conditions abjectes: au moins 60% souffrent de malnutrition selon Amnesty et plus de 120 personnes en sont mortes selon une ONG syrienne.

"Au lexique de l'inhumanité de l'Homme envers son frère s'ajoute un nouveau terme: Yarmouk", affirme à l'AFP, bouleversé, Christopher Gunness, porte-parole de l'Agence de l'ONU pour les réfugiés palestiniens (UNRWA), dont une photo de milliers d'habitants en attente d'aide a fait le tour du monde.

"Les gens sont réduits à manger des aliments pour animaux et des femmes meurent en couches faute de soins", ajoute-t-il.

Amnesty qualifie le siège de Yarmouk du "plus meurtrier" des blocus en Syrie.

Pour Sahar, habitante du camp, 56 ans, "cette pénurie est une insulte à notre dignité".

Pour elle et des milliers d'autres civils pris au piège, un repas n'est qu'un lointain souvenir. "Il y a quelques jours, des voisins ont fait entrer des aubergines et du riz de Babbila", une localité à 5 km du camp, raconte-t-elle.

"C'était la première fois que je prenais un repas depuis des mois... je me suis sentie revivre", assure-t-elle en ravalant ses larmes. "On a presque oublié ce que cuisiner veut dire".

De nombreux témoignages recueillis par l'AFP à Yarmouk et ailleurs reflètent la situation d'avilissement dans un pays autrefois auto-suffisant.

"Des gens meurent chez eux et les rats s'en nourrissent avant même que les voisins ne les découvrent", explique Jassem, un militant à Yarmouk.

Depuis le 18 janvier, l'UNRWA a distribué près de 8.000 colis de vivres: "une goutte d'eau dans un océan" d'après l'agence.

Les pénuries de médicaments, d'essence et d'électricité n'en sont pas moins aiguës.

"Le kilo de farine est passé de 50 à 750 livres (0,30 USD à 5 USD), le litre de diesel de 20 à 1.700 livres" (0,13 USD et 11 USD), explique Tarek, instituteur dans la Ghouta orientale, une région considérée avant son siège comme le "verger de Damas", également contacté via skype.

"On creuse des puits comme autrefois mais l'eau y est très polluée", poursuit Tarek, qui enseigne dans des sous-sols par crainte des bombardements, à la lumière de bougies et de lampes de poche.

Le siège est instauré par l'armée dans plusieurs localités et quartiers comme à Homs, d'où 1.500 civils, à bout de force, ont été évacués en février par l'ONU.

Début mars, la Commission d'enquête de l'ONU sur les violations des droits de l'Homme en Syrie a rapporté que "plus de 250.000 personnes sont soumises à un siège en Syrie" et "doivent choisir entre famine et reddition", mettant en cause l'armée mais aussi les rebelles qui encerclent des villages pro-régime.

Ce chiffre s'ajoute à un constat humanitaire terrible: plus de 140.000 morts, plus de neuf millions de réfugiés et de déplacés, plus de 2,2 millions d'enfants sans scolarité et près de 50% des hôpitaux du pays détruits ou endommagés.

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