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Le fléau du travail au noir dans le résidentiel exposé par l'entrepreneur Mercure

Le fléau du travail au noir dans le résidentiel exposé par l'entrepreneur Mercure

Dans le domaine de la construction et de la rénovation de maisons, le travail au noir, c'est la norme, soutient l'entrepreneur Louis Mercure, qui livre à la commission un témoignage déjà accordé, en partie, à l'émission Enquête en 2011.

Un texte de Bernard Leduc et François Messier

Lire aussi : Survivre au noir - retour sur un reportage d'Enquête

L'ancien propriétaire de France joints, spécialiste dans la finition de murs et maintenant en faillite, a expliqué avoir été confronté à ce phénomène dès le début de sa carrière comme tireur de joints, dans les années 1990.

Selon M. Mercure, à l'époque, tous les métiers liés au bungalow - menuisier, plombier, poseur de gypse ou de plancher, peintre,... - étaient, de fait, payés comptants, une situation qui n'aurait pas vraiment changé depuis.

L'ex-entrepreneur affirme que les employeurs ne veulent pas déclarer au fisc leurs employés, car cela fait naturellement gonfler leurs coûts et les empêche donc d'être compétitifs face à des collègues qui, eux, continueraient à fonctionner au noir.

« Les entrepreneurs, ce qui compte c'est savoir combien ça va coûter faire la job, et il va tout faire pour que ça lui coûte le moins cher possible, donc donner ça à la job, à forfait, en cash. Il y a toujours quelqu'un pour faire la job pas cher, même encore aujourd'hui », a-t-il fait valoir.

Un employé payé à l'heure selon les normes, estime-t-il, coûterait 33 % plus cher pour le même résultat.

Le travail au noir : un piège inextricable

C'est un accident qui le décide à se lancer comme entrepreneur. Blessé au travail, il se trouve alors démuni, n'ayant aucun droit à la CSST et à l'assurance chômage.

M. Mercure, qui rêve, selon ses mots, d'avoir un travail totalement légal, fonde alors sa compagnie, début 2000, grâce à la licence de la Régie du bâtiment obtenue par sa femme.

Mais il déchante rapidement : le formateur de la régie avait d'ailleurs averti sa femme de la réalité du marché et souligne que respecter les lois, c'est s'assurer une faillite en six mois.

Et de fait, trois mois plus tard, tout espoir de profit s'est envolé, alors que s'accumulent les dettes.

Survivre au noir - retour sur un reportage d'Enquête

Louis Mercure avait publiquement révélé des dysfonctionnements de son industrie dans le reportage Survivre au noir, diffusé par Enquête en septembre 2011. Il avait expliqué comment les spécialistes des systèmes intérieurs, comme lui, étaient poussés vers le travail au noir en raison d'une multitude de facteurs, dont la multiplication des licences d'entrepreneurs accordées par la Régie du bâtiment du Québec (RBQ).

M. Mercure a rapidement été confronté à cette situation après avoir tenté de fonctionner en toute légalité. Il avait expliqué qu'en tant qu'entrepreneur, la Commission de la construction du Québec (CCQ) lui imposait d'avoir un compagnon par chantier, c'est-à-dire un homme ayant au moins trois ans d'expérience. Or il n'arrivait pas à en trouver, puisque les travailleurs ayant cette qualification étaient à peu près tous payés au noir, ce qui est plus payant pour eux.

L'entrepreneur avait admis à Enquête que dès son premier chantier avec France joints, il avait dû lui-même recourir à de la fausse facturation pour se tirer d'affaires. « Avant de mourir, je me suis arrangé avec des factures d'accommodement pour me sortir de ça, pour pouvoir payer tout le monde », avait-il admis.

M. Mercure avait expliqué que la CCQ lui fournissait des listes de compagnons présumément disponibles, mais qu'il suffisait de les appeler pour comprendre que ce n'était pas vrai. Dans les faits, ces hommes travaillaient, souvent pour la moitié du prix qu'il devait leur offrir pour respecter les règles en vigueur.

Incapable de répondre à cette exigence, il été régulièrement mis à l'amende, ce qui le mettait en furie. « Je me sens volé. Parce que la CCQ doit me remettre des vrais listes avec du vrai monde dessus qui veulent travailler. Sont pas capables de me donner des listes en bonne et due forme, mais ils s'en servent pour m'amener devant le juge et me condamner », avait-il déploré.

L'entrepreneur avait aussi dénoncé l'effet pervers d'une mesure adoptée par la CCQ, soit celle qui permet aux entrepreneurs de se déclarer « représentant désigné » au sein de leur compagnie. Il s'agit d'un statut dont peut se prévaloir un entrepreneur qui souhaite travailler pour sa propre entreprise, sans déclarer d'heures ni payer de cotisations.

Cette mesure, avait-il dit, faisait en sorte que trop de gens démarraient des entreprises. « Au lieu d'avoir une compagnie avec 20 gars, t'as 10 compagnies de 2 gars », avait-il illustré. Cette situation, disait-il, finit par entraîner les prix à la baisse : « Y en a tout le temps un qui va le faire [le travail]. Si c'est pas toi, c'est un autre », résumait-il pour illustrer la situation dans laquelle il se trouvait.

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