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A Donetsk, les partisans de l'Ukraine unie peinent à trouver leur place

A Donetsk, les partisans de l'Ukraine unie peinent à trouver leur place

Dépassés par un mouvement pro-russe très véhément, les défenseurs d'un maintien de Donetsk en Ukraine peinent à faire entendre leur voix, dans une région industrielle russophone qui se sent mal aimée de Kiev.

Alors que près de 10.000 partisans d'un rattachement à la Russie du Donbass, le bassin minier dont Donetsk est la capitale, arpentaient rageusement les rues de la ville dimanche, un rassemblement concurrent en faveur de l'unité de l'Ukraine a été annulé à la dernière minute par ses organisateurs, de peur que la situation ne dégénère.

L'un des leaders du mouvement pro-européen en Ukraine, Vitali Klitschko, devait participer à la manifestation prévue sur le parvis d'une cathédrale orthodoxe, où ont afflué des milliers de personnes le conspuant et scandant "Russie!" ou encore "Poutine président!". L'ex-champion de boxe, candidat à la présidentielle du 25 mai, a dû quitter la ville sans contact avec la population.

Le 5 mars pourtant, les défenseurs de l'unité ukrainienne avaient réuni 5.000 personnes, une mobilisation d'une ampleur inattendue pour Donetsk, fief électoral du président déchu Viktor Ianoukovitch où les responsables politiques et les médias n'ont cessé de dénoncer les contestataires de Kiev comme des radicaux néo-nazis.

Mais la manifestation a dégénéré en bagarre générale quand le cortège s'est dispersé place Lénine, où les pro-russes tiennent un piquet permanent au pied de l'imposante statue de l'ancien dirigeant soviétique.

"On nous a lancé des oeufs, des pommes, des pétards", fulmine Tatiana Zarovnaïa, journaliste et militante du mouvement anti-Ianoukovitch né sur Maïdan à Kiev. Résultat: "les gens ont peur de manifester", poursuit la jeune femme.

"Les élites locales et les médias ont soutenu le régime de Ianoukovitch et ont échauffé les esprits, d'où la situation de confrontation actuelle", explique le politologue Volodymyr Kipen.

Mais contrairement à la Crimée, les principales forces politiques à Donetsk s'opposent aujourd'hui à un rattachement à la Russie, d'où un risque "limité" de séparatisme, souligne l'expert.

Le Donbass accueille aussi de puissants clans financiers qui voient d'un mauvais oeil une soumission à Moscou et oeuvrent en faveur de l'unité nationale, tel le nouveau gouverneur Serguiï Tarouta ou encore l'homme le plus riche d'Ukraine, Rinat Akhmetov, propriétaire du club de football Shakhtar dont les groupes de supporters assurent la sécurité des pro-ukrainiens.

Pour l'un des organisateurs du mouvement pro-Ukraine, Enrique Menendez, la mobilisation du 5 mars constitue "un moment historique" et démontre le refus d'une grande partie de la population de se jeter dans les bras de Moscou.

Ce trentenaire dont le grand-père était Espagnol se défend pour autant de soutenir Maïdan, reprochant à ses militants d'avoir fait du renversement du pouvoir leur priorité devant la volonté d'intégration européenne, et réclame une autonomie renforcée pour la région.

"Il faut bien comprendre que Donetsk s'est toujours senti mal aimé, le pouvoir n'a jamais eu de stratégie pour le sud-est", estime le jeune patron d'une agence de publicité. Pourtant originaire de la région, "Ianoukovitch n'a jamais rien fait pour nous, c'est sans doute son erreur".

Le ressentiment est fort envers Kiev et l'ouest de l'Ukraine, plus nationaliste et qui soutient en grande partie les nouvelles autorités en place dans la capitale. Le Donbass industriel, qui représente une grande partie des richesses de l'ex-république soviétique mais n'est plus représenté au pouvoir, se trouve laissé pour compte.

Déjà affectée par l'effondrement de la production en 2013, la région craint en outre de sombrer totalement si les liens sont rompus avec la Russie voisine.

"Chez nous les hommes travaillent dans les mines et les usines, ont des métiers pénibles, et tout l'argent part vers l'ouest de l'Ukraine", tempête ainsi Valentina, manifestante pro-russe, reprenant un avis souvent entendu dans la ville.

La tentative du nouveau pouvoir de revenir sur une loi adoptée sous M. Ianoukovitch qui redonnait une plus grande place à la langue russe, élargissant son utilisation dans les médias, la publicité et l'administration, a piqué en outre au vif de nombreux habitants de la région russophone.

Dans un manifeste publié lundi sur le site local pro-européen ostro.org, des militants de la société civile de Donetsk ont appelé à l'unité nationale, tout en prenant leurs distances avec la capitale.

"Nous avons beaucoup de reproches à faire à Kiev. Quant au fédéralisme budgétaire et peut-être le fédéralisme tout court, nous en parlerons (...). Mais ce sera pour demain. Aujourd'hui l'ennemi est aux portes", ont-ils écrit.

gmo/via/ml

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