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Tsunami au Japon: l'infinie patience des survivants dans les préfabriqués

Tsunami au Japon: l'infinie patience des survivants dans les préfabriqués

Ils ont essayé d'oublier la vague, mais combien de nuits sans sommeil, les yeux rivés sur le plafond de leur préfabriqué ? Trois ans après le tsunami du 11 mars 2011, M. et Mme Takeyama sont toujours des "réfugiés".

Avant le séisme et le déferlement meurtrier de la mer sur Ogatsu, sur la côte est du Japon, Toichi et Iwako étaient heureux. Ces septuagénaires avaient une jolie petite maison, et leur fille aînée vivait juste à côté de chez eux avec sa famille.

"C'est bien d'avoir sa fille tout près de chez soi, on peut partager un bol de soupe quand il fait froid", raconte Iwako.

Mais les flots furieux ont emporté sa maison et celle de sa fille, qui a survécu comme eux.

Plus de 1.000 jours plus tard, le vieux couple ressasse son bonheur englouti dans un baraquement temporaire d'Ishinomaki. Un temporaire qui dure, qui dure.

Les Takeyama ont perdu quatre proches parents. On a retrouvé le corps de la soeur de M. Takeyama à 30 km de là. Les larmes montent encore dans les yeux d'Iwako quand il y pense. "Ca va aller, ça va aller".

Alors ils essayent de s'occuper pour s'accrocher à la vie, pour oublier: depuis qu'ils vivent dans ces baraquements, ils accompagnent des gamins à l'école, vont les chercher après les cours.

Leur vie, leurs souvenirs et ce qui leur reste tient dans 30 mètres carrés.

"On entend tout ce que font les voisins, une douche, les toilettes. On ne peut même pas se disputer", dit Toichi, fatigué nerveusement de cette précarité au point d'avoir été deux fois hospitalisé.

Et cela ne risque pas de s'arranger pour eux: ils ne seront pas relogés dignement avant trois autres longues années.

Depuis le désastre, le Japon n'a en effet reconstruit que très peu de nouveaux logements moins précaires pour les victimes dans les préfectures de Iwate et Miyagi, les plus dévastées.

Le séisme, le tsunami et la catastrophe nucléaire du 11 mars 2011 ont fait plus de 18.000 morts, mais aussi des centaines de milliers de déplacés dont 100.000 provisoirement abrités dans des préfabriqués où ils vivent toujours.

Et le gouvernement du Japon est incapable de dire combien d'années il faudra encore pour construire et reloger dignement tous ces malheureux.

A Onagawa, une localité de la même région, d'autres survivants du tsunami luttent aussi comme ils le peuvent contre les souvenirs et la déprime. Certains fabriquent par exemple des sandales en tissu qu'ils vendent 1.500 yens (11 euros) la paire. Pas pour l'argent, juste un moyen de ne pas sombrer.

"Je me demande si je serai encore vivant au moment où on quittera ces fichus baraques! Moi, tout ce que je veux c'est mourir dans une nouvelle maison", lâche Kazuko Kimura, 86 ans.

Sawako Kishi, elle non plus, n'arrive parfois pas à trouver le sommeil. A 76 ans, elle a entassé sa vie dans son mini-logis avec son mari et son fils. C'est petit mais elle a tenu à ce qu'il y ait un petit autel bouddhiste. Le reste n'est qu'un empilement de choses diverses, de vêtements.

Les futons sont bien repliés pendant la journée, mais prennent malgré tout beaucoup de place.

Sawako espère encore et toujours déménager dans un nouveau logement... qui reste à construire sur les hauteurs de la ville. C'est prévu pour dans trois ans.

"Il faut d'abord percer un tunnel, et après seulement ils feront des maisons", explique-t-elle, avec une pointe de découragement, de grande lassitude.

Ce stress des réfugiés, le gouvernement ne s'en est pas beaucoup occupé, accuse aujourd'hui le neuropsychiatre Tsuyoshi Akiyama de l'Université de Tokyo.

"Quel que soit le choix qu'ils font, les survivants d'un désastre pareil sont confrontés à un stress mental très fort", dit-il.

Alors, pour tous ces gens de la côte ravagée, pour sortir du noir, il faut monter, là-haut, vers ces rassurantes collines, loin des vagues.

Mais ces terres "appartiennent à des petits propriétaires", peste Kosuke Motani, chef économiste à l'Institut de Recherche du Japon (une société d'étude indépendante) qui accuse la bureaucratie locale et nationale de se coucher devant la sacro-sainte propriété privée.

"Il faudrait changer la loi (pour réquisitionner), ou alors qu'ils donnent un peu de leurs terres avant un prochain drame".

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