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Pakistan : ce mystérieux groupe islamiste qui menace le processus de paix

Pakistan : ce mystérieux groupe islamiste qui menace le processus de paix

Au Pakistan, le gouvernement et les rebelles talibans ont repris le dialogue, mais un mystérieux groupe qui a revendiqué la récente attaque à Islamabad, la plus sanglante dans la capitale depuis près de six ans, menace de barrer la route à tout rapprochement.

Premier mars. Les combattants du Mouvement des talibans du Pakistan (TTP), pilonnés par l'aviation pakistanaise depuis une dizaine de jours, annoncent un cessez-le-feu d'un mois pour relancer le processus de paix avec le gouvernement.

Pour la première fois, les insurgés, dos au mur, n'exigent rien en retour de cette trêve.

Mais deux jours plus tard, des hommes armés ouvrent le feu puis deux kamikazes se font exploser contre un tribunal niché dans un marché au coeur d'Islamabad, siège du gouvernement généralement épargné par la cascade d'attentats attribués au TTP qui ensanglantent le pays depuis 2007. Bilan: onze morts.

Le TTP, principal groupe rebelle du pays, nie toute implication dans cette attaque, la plus meurtrière à Islamabad depuis l'attentat contre l'hôtel Marriott en 2008.

Mais un nouveau groupe, le Ahrar ul-Hind, ou "libérateurs du sous-continent indien", en revendique la paternité.

Selon des sources sécuritaires et au sein de la nébuleuse talibane, le groupe a été formé en février alors que le gouvernement du Premier ministre Nawaz Sharif et le TTP du mollah Fazlullah se lançaient à la surprise générale dans un processus de paix.

Les positions semblent au départ inconciliables entre un gouvernement qui veut le respect de la constitution et des talibans qui réclament l'imposition d'une loi islamique (charia) radicale. Mais les deux camps acceptent d'entamer des pourparlers.

Dans son premier communiqué, publié le 9 février, Ahrar ul-Hind dénonce ce processus et affiche sa position sans équivoque: le gouvernement doit d'abord accepter la charia.

"Nous allons continuer les attentats suicide et le combat armé au Pakistan jusqu'à l'imposition de la charia", clame alors son porte-parole, Asad Mansoor, en annonçant des attaques dans les principales villes du pays.

Selon M. Mansoor, le Ahrar ul-Hind est dirigé par le mollah Umar Qasmi. Un homme mystérieux: interrogées par l'AFP, plusieurs sources talibanes ont indiqué n'avoir jamais entendu parler de lui.

Peu d'informations filtrent sur ce groupuscule, une source suggérant qu'il a établi son QG dans l'est afghan, et une autre que ces combattants sont Pendjabis, peuple du centre du Pakistan.

Nombre de témoins de l'attaque contre le tribunal d'Islamabad ont d'ailleurs affirmé que les assaillants parlaient entre eux en Pendjabis et non en Pachto, la langue des tribus pachtounes du nord-ouest, vivier d'origine des talibans.

Autre incertitude, la capacité du Ahrar ul-Hind à fédérer les combattants talibans hostiles à tout dialogue avec le gouvernement.

Un commandant taliban soutient à l'AFP que le Ahrar est en contact avec quatre ou cinq factions dissidentes ainsi que les supporteurs de Badar Mansoor, chef de la branche pakistanaise d'Al-Qaïda abattu en février 2012 par un drone américain.

Le Ahrar ul-Hind affirme de son côté avoir fait scission du TTP le mois dernier sur la question des pourparlers de paix. Mais rien n'est moins sûr, avancent des analystes qui soupçonnent ce groupe de faire partie intégrante de la stratégie des talibans, soupçonnés de favoriser une trêve pour reconstituer leurs forces en sous-main.

"Pour moi, ce sont tous les mêmes... Ils sont établis aux mêmes endroits et partagent les mêmes camps", estime Saifullah Khan Mehsud, directeur du Centre de recherches sur les zones tribales, base arrière de la mouvance jihadiste dans la région, située dans le nord-ouest pakistanais, près de l'Afghanistan.

Une attaque coordonnée comme celle contre le tribunal d'Islamabad, impliquant de nombreux combattants, deux kamikazes, des armes automatiques, des vestes explosives et des grenades, est le travail d'un groupe expérimenté et bien organisé, souligne l'analyste Saad Muhammad.

"Les usines à kamikazes sont situées dans la zone tribale du Waziristan du Nord et sont opérées conjointement par le TTP et (les talibans afghans) du réseau Haqqani. Comment le TTP peut-il nier que ces kamikazes ne viennent pas du Waziristan du Nord ? Ce sont tous les mêmes", avance-t-il.

"C'est le style classique des talibans. Ils lancent une attaque mais publient un démenti", résume Mehmood Shah, un ancien haut gradé de l'armée.

Mais il semble bien y avoir des tensions au sein de la mouvance talibane des zones tribales sur la pertinence de pourparlers avec le gouvernement, estime M. Mehsud qui montre du doigt les combattants étrangers et des groupes qui se financent par les braquages et les kidnappings et n'ont aucun avantage à un éventuel au rétablissement de la paix dans les zones tribales.

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