Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

Venezuela : San Cristobal, la ville des barricades berceau de la contestation

Venezuela : San Cristobal, la ville des barricades berceau de la contestation

Barricades de détritus calcinés, barrières métalliques, troncs d'arbres ou machines à laver bloquent plusieurs rues de la ville de San Cristobal, dans l'ouest du Venezuela, berceau de la mobilisation étudiante entamée début février.

Mais les étudiants ne sont les seuls à prendre part aux blocages : médecins, avocats, commerçants, voire retraités de la fonction publique sont également mobilisés contre le gouvernement du président socialiste Nicolas Maduro sont également mobilisés.

Tous sont excédés par les interminables files d'attente dans les supermarchés, où persistent les pénuries de produits de base, comme la farine, le sucre, le lait ou le papier-toilette.

Tous sont épuisés d'avoir peur des groupes d'hommes armés et non identifiés qui sillonnent la nuit les rues de la ville, menaçant les manifestants.

Tous sont furieux contre les agressions et les arrestations d'étudiants par la Garde nationale bolivarienne (GNB).

Après plus d'un mois de mobilisation, l'opposition radicale locale prévient qu'elle occupera la rue jusqu'à être entendue par le président Maduro, élu de justesse en avril 2013 après la mort de son mentor, le charismatique Hugo Chavez, dont il n'a jamais pu endosser l'habit.

"San Cristobal est l'épicentre où tout a explosé", explique à l'AFP Liscar Depablos, une étudiante en médecine de 22 ans à l'université des Andes. "Ca ne va pas s'arrêter", avertit-elle.

Les manifestations ont débuté à le 4 février, après la tentative de viol d'une étudiante sur le campus de San Cristobal, dans l'Etat de Tachira, frontalier avec la Colombie. Elles se sont ensuite propagées à tout le pays, et les revendications se sont élargies : de l'insécurité à l'inflation en passant par les pénuries et les dénonciations d'abus policiers.

Le bilan officiel fait état de 20 morts, au moins 300 blessés et plus d'un millier d'arrestations de manifestants, majoritairement rapidement libérés.

Au départ, les barricades de San Cristobal étaient destinées à freiner l'avancée des unités anti-émeutes de la police et de leurs véhicules blindés. Mais beaucoup d'habitants de cette ville de 260.000 personnes bloquent désormais les rues pour dissuader des hommes à moto de circuler à la nuit tombée, en tirant des coups de feu et en volant.

Chaque barricade est tenue par six à 20 jeunes masqués, munis de lance-pierres, de cailloux et de petits bazookas pour lancer des feux d'artifice.

Liscar Depablos vit dans une impasse, protégée par des bambous et des fils de fer depuis que la GNB a lancé il y a deux semaines des gaz lacrymogènes dans les appartements.

"Mon chien s'est évanoui. Nous nous sommes enfermés dans le salle de bain en faisant couler l'eau pour que les gaz nous affectent moins", raconte-t-elle.

Elle montre des cartouches de gaz portant l'inscription "fabriqué au Brésil" et des balles en caoutchouc - autre munition utilisée par les forces de l'ordre - marquées "anti-émeute".

"Ici, on est comme en Ukraine", assure Jarriz Ordoñez, cuisinier de 33 ans, faisant référence aux protestations à Kiev ayant abouti à la chute du président Viktor Ianoukovitch et à des dizaines de morts.

Les analystes soulignent toutefois que les deux pays sont loin de vivre la même situation. Le gouvernement Maduro bénéficie notamment d'un large soutien parmi les classes les plus défavorisées, fidèles à l'héritage de Hugo Chavez (1998-2013).

Mercredi, le gouvernement a tenté d'organiser à San Cristobal un "dialogue de paix", mais l'opposition a refusé d'y assister tant que tous les étudiants ne seraient pas libérés.

"Nous n'allons pas légitimer une conférence de mensonges tant que dure la répression", s'est justifié auprès de l'AFP le maire de la ville, Daniel Ceballos.

Conséquence de la mobilisation persistante, la ville vit au ralenti, et les pénuries se sont encore aggravées. Peu de magasins sont ouverts, et certains commerçants manifestent leur exaspération à la vue des camions de marchandises qui évitent l'agglomération en raison des barricades.

"Ils font du mal à la ville", s'exclame ainsi Jesus Robles, gérant d'une boutique d'"arepas" (des pains de farine de maïs typiquement vénézuéliens). "Nous n'avons plus de produits, tout est plus cher", se plaint-il.

"Nous poursuivrons la résistance jusqu'à ce que nous voyons un changement dans le pays. Aujourd'hui, il y a un dicton : +Suivre l'exemple que (l'Etat de) Tachira a donné+", avertit toutefois Fernando Marquez, dirigeant étudiant d'à peine 20 ans.

lth/pc/du/hdz/mr

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.