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La justice turque remet en liberté un ex-chef de l'armée condamné pour complot

La justice turque remet en liberté un ex-chef de l'armée condamné pour complot

La justice a libéré vendredi l'ancien chef d'état-major de l'armée turque condamné en 2013 à la prison à vie pour une tentative de coup d'Etat, premier signe concret d'une trêve entre l'institution militaire et le régime islamo-conservateur au pouvoir.

Au lendemain d'un arrêt de la Cour constitutionnelle turque estimant que ses droits avaient été bafoués, un tribunal d'Istanbul a ordonné la remise en liberté immédiate sous contrôle judiciaire de l'ex-général Ilker Basbug, détenu depuis vingt-six mois dans un pénitencier de la lointaine banlieue d'Istanbul.

Dès sa sortie de la prison de Silivri en soirée, l'ancien patron de l'armée turque a clamé une nouvelle fois son innocence.

"Nos mains sont propres. Nous n'avons qu'une seule exigence: la justice", a déclaré l'officier, âgé de 71 ans, à la presse.

"Le peuple turc a très vite compris que nous n'avions aucun intérêt à tenter un coup d'Etat, et qu'il est inacceptable d'accuser un général de faire partie d'une organisation terroriste", a-t-il ajouté, très ému.

Lors de deux procès retentissants en 2012 et 2013, la justice turque avait infligé de très lourdes peines de réclusion à plusieurs centaines d'officiers, dont le général Basbug et de nombreux officiers de très haut rang, reconnus coupables de "complot" contre le gouvernement actuellement au pouvoir .

Les militaires condamnés ont toujours dénoncé ces jugements, faisant valoir que les preuves utilisées par les tribunaux avaient été manipulées.

La remise en liberté, symbolique, de leur ancien patron intervient alors que le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan, empêtré dans un scandale de corruption sans précédent, a récemment opéré un revirement politique spectaculaire envers l'armée.

Depuis l'arrivée au pouvoir de son Parti de la justice et du développement (AKP) en 2002, M. Erdogan n'a eu de cesse que de faire rentrer dans le rang l'institution militaire, qui s'était imposée jusque-là comme la gardienne des institutions laïques de la Turquie en multipliant les interventions dans la vie politique.

Depuis 1960, l'armée a ainsi procédé à trois coups d'Etat et poussé le premier gouvernement islamiste du pays à démissionner en 1997.

A grands coups de purges et de procès pour des tentatives de coups d'Etat plus ou moins avérées, M. Erdogan est parvenu au fil des ans à faire rentrer dans ses casernes une armée qu'il a toujours considérée comme hostile.

Mais à la faveur des accusations de corruption lancées contre ses proches depuis la mi-décembre, le Premier ministre a opéré un rapprochement avec les militaires.

M. Erdogan accuse ses ex-alliés de la confrérie du prédicateur musulman Fethullah Gülen, très influente dans la police et la justice, d'être à l'origine des enquêtes dirigées contre des dizaines de ses proches et de vouloir précipiter sa chute à la veille des élections municipales du 30 mars et présidentielle du 10 août prochains.

En réaction à ces accusations de corruption, il a engagé des purges massives visant des milliers de policiers et de magistrats soupçonnés d'être proches de l'organisation guléniste.

Quelques jours après le début du scandale de corruption, un proche conseiller de M. Erdogan avait suggéré que les magistrats "gulénistes" étaient précisément à l'origine des procédures lancées contre les militaires. Le Premier ministre s'était ensuite lui-même déclaré publiquement favorable à un nouveau procès des officiers.

Ravi de l'aubaine, l'état-major de l'armée turque avait dans la foulée déposé fin décembre deux requêtes en révision des procès dans les deux affaires connues sous les noms de "Marteau-pilon" et "Ergenekon".

"Si la Turquie veut devenir un Etat de droit, il va falloir identifier ceux qui ont planifié et mis en oeuvre ce projet de créer une organisation terroriste virtuelle", a lancé, sans citer de nom, M. Basbug.

Le Parlement turc a récemment voté, à l'initiative du gouvernement, une loi supprimant les tribunaux d'exception. En cas de nouveau procès, les militaires seraient donc rejugés devant une cour classique.

De nombreux autres officiers condamnés devraient bénéficier de cette jurisprudence et être, ainsi, rejugés prochainement en appel.

"J'espère que cette décision va créer un précédent et que d'autres victimes (...) vont être immédiatement libérées", a souhaité vendredi l'avocat de l'ex-général Basbug, Ilkay Sezer.

"Je vais continuer mon combat jusqu'à la libération de mon dernier camarade encore derrière les barreaux", a promis son client.

bur-pa/mr

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