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A Yalta, la crise ukrainienne paraît bien loin mais est mauvaise pour le tourisme

A Yalta, la crise ukrainienne paraît bien loin mais est mauvaise pour le tourisme

Le bruit des bottes russes encerclant les casernes de Crimée parvient assourdi à Yalta, perle de la péninsule dans le sud de l'Ukraine où s'est joué en 1945 le partage du monde, qui s'éveille au premier soleil de printemps et s'inquiète pour la saison touristique.

Dans la cité balnéaire nichée au pied des montagnes de la riviera ukrainienne des policiers fidèles à Kiev patrouillent, mains dans les poches, sur les quais du port vide de tout navire, à part cinq voiliers de plaisance aux voiles pliées dans leurs housses d'hiver. "Tout va bien, tout est calme", lance l'un d'eux sans s'attarder. Une douzaine de vedettes de promenade en mer est alignée, hors d'eau sur des madriers, sur la jetée protégeant la rade.

Dans son bureau de l'agence Intourist, la directrice, Lilia Ivanova, explique à l'AFP qu'aux premiers jours du mois de mars il est normal que les touristes ne soient pas encore là. Mais la situation politique et militaire, les grands titres des médias du monde entier, les photos d'hommes armés portant cagoules ne présagent rien de bon.

"Nous sommes contre l'agression de Poutine, nous craignons que cela fasse fuir les touristes", dit la jeune femme brune aux yeux bleu ciel, dont la sonnerie de téléphone joue "Tombe la neige" de Salvatore Adamo, en français. "Là où il y a du terrorisme, il n'y a pas de tourisme", résume-t-elle. Sur le mur à côté d'elle une affiche en anglais vante "Yalta, capitale des croisières en Crimée".

Selon elle, la ville accueille environ dix mille croisiéristes par an, avec le premier accostage d'un navire allemand attendu le 11 avril. "Nous ne savons pas s'ils vont venir", soupire-t-elle.

Devant l'entrée de la capitainerie Anatoli Sviritov, responsable de la sécurité, se veut rassurant. "Il n'y a pas de Russes ici, pas de soldats, pas de problème. C'est un port civil, la sécurité est assurée par des gardes privés".

Sur la promenade face au bassin les tricycles de location, les attractions, les châteaux gonflables avec toboggans, les stands de tir sont désertés. Quelques familles emmitouflées dans la bise froide se pressent vers les rares cafés ouverts. Sur l'esplanade, les partisans de Moscou ont dressé leur tente sous la statue de Lénine. Une affiche clame "Non à l'Otan", une autre "La Russie nous protège des nazis". Les chants patriotiques et les drapeaux russes attirent les curieux, dont certains s'alignent pour signer une pétition.

Vatali Akhmietov, 33 ans, géant blond en blouson de cuir noir, se présente comme "homme d'affaires" et assure avoir déjà réuni "plus de 27.000 signatures pour exiger un référendum sur l'avenir de la Crimée".

"Nous nous sentons rassurés par le fait que Moscou ait envoyé des soldats pour nous protéger", dit-il. "Nous voulons qu'ils restent. Ce qui s'est passé à Kiev n'est pas légal. L'Ukraine n'existe plus en tant que pays après leur révolution. 98% des gens ici ne veulent plus avoir à faire avec ces bandits".

Sur les hauteurs de la ville, entre les résineux, le palais de Livadia, principale attraction touristique de la région, attire quelques visiteurs. C'est dans ce palais d'été du tsar Nicolas II, grande pâtisserie blanche de style Renaissance italienne, que se sont réunis en février 1945 Franklin Roosevelt, Winston Churchill et leur hôte Joseph Staline pour se partager le monde en zones d'influence et dessiner la carte géopolitique de l'après-guerre.

Dans les jardins en terrasses surplombant les reflets de la mer Noire, Vadislav, Iouri et Inna (ils n'acceptent de révéler que leurs prénoms) jouent au soleil avec un chat en attendant le début de la visite guidée. Venus du centre du pays, ils passent trois semaines dans un sanatorium voisin. "Au début de la crise nos parents ont appelé, nous ont demandé de rentrer mais nous les avons rassurés. Ici tout est calme", sourit Vadislav.

"Tout cela, c'est de la politique. Il n'y aura pas de guerre", assure Iouri. "Les frontières existent, pourquoi les changer ? Personne ne menace les droits ou la vie des Russes en Ukraine. C'est de la propagande et cela ne marchera pas".

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