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Les Tatars de Crimée : les Ukrainiens oubliés

Les Tatars de Crimée : les Ukrainiens oubliés

Après s'être ostensiblement réjouis de l'arrivée d'un nouveau pouvoir à Kiev en Ukraine, les Tatars de Crimée se sont faits discrets depuis la prise de contrôle de la péninsule à majorité russe par les forces armées de Moscou.

Cette minorité de confession musulmane redoute d'être entraînée dans une guerre.

« S'il y a un conflit, en tant que minorité, nous serons les premiers à souffrir », déclare Usein Sarano, 57 ans. En fond sonore, l'appel à la prière de la mi-journée retentit des

minarets de pierre du XVIe siècle de Bakhtchisaraï, ancienne capitale des Tatars.

« Nous avons peur pour nos familles, pour nos enfants. Ce pourrait être une nouvelle Yougoslavie », dit-il.

Mercredi pourtant, des milliers de Tatars étaient descendus dans les rues de Simféropol, capitale de la Crimée, aux cris de « Allah Akbar » pour montrer leur loyauté au nouveau gouvernement mis en place à Kiev et en signe d'opposition à une manifestation organisée par les séparatistes russes. Il y a eu des blessés dans la bousculade.

Le lendemain avant l'aube, des hommes armés non identifiés s'emparaient du parlement de la république autonome de Crimée lors d'une mystérieuse opération, qui s'est révélée être le point de départ de l'opération militaire lancée par le président russe Vladimir Poutine pour prendre le contrôle de la région.

Depuis, plus aucun mouvement de protestation des Tatars.

Le chef de la communauté, Refat Tchoubarof, qui ne cachait pas auparavant son opposition à la perspective d'une tentative de prise contrôle par la Russie, choisit désormais soigneusement ses mots.

« Nous devons tout faire pour empêcher que s'aggrave l'atmosphère de peur et de défiance en Crimée », a-t-il déclaré samedi lors d'une conférence de presse à Simféropol.

« Les citoyens de Crimée, avec leur voisins, et sans tenir compte de leur nationalité, doivent maintenir la paix. »

Départ forcé, retour souhaité

Cousins d'autres turcophones en Russie, les Tatars de Crimée ont été pratiquement éliminés sur les ordres de Moscou, d'abord par les tsars, puis par les soviétiques.

« A partir du moment où l'impératrice russe Catherine II a envoyé ses troupes ici pour annexer ce territoire, nos ennuis ont commencé », déclare Enver Cherfïev, 26 ans, en allusion à la conquête du XVIIIe siècle que tout Tatar peut encore conter.

En 1944, le dictateur soviétique Joseph Staline a déporté la totalité des Tatars de Crimée en Asie centrale, à des milliers de kilomètres. Des milliers sont morts en route.

A l'époque soviétique, la ville de Bakhtchisaraï, avec ses élégantes mosquées et totalement vidée de sa population, a constitué une destination touristique macabre.

Sa renaissance remonte à la fin des années 80, avec le retour d'exil d'une grande partie des Tatars de Crimée, d'abord sous l'égide du dirigeant réformateur soviétique Mikhaïl Gorbatchev et ensuite après l'indépendance de l'Ukraine en 1991, au moment de l'éclatement de l'Union soviétique.

Les Tatars se sont installés aux côtés de leurs voisins slaves, parmi lesquels des Russes, largement plus nombreux, dont beaucoup sont liés à la flotte russe en mer Noire stationnée à Sébastopol.

Aujourd'hui, les Tatars représentent environ 12 % des deux millions de Criméens.

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