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Turquie: la justice libère les principaux suspects du scandale qui menace le régime

Turquie: la justice libère les principaux suspects du scandale qui menace le régime

La justice turque, remise au pas par une vague de purges sans précédent, a remis en liberté vendredi les dernières personnes incarcérées dans le retentissant scandale de corruption qui fait tanguer le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan.

Deux semaines après une première vague de libérations, un tribunal d'Istanbul a ordonné la sortie de prison du principal suspect de l'affaire, l'homme d'affaires Azerbaïdjanais d'origine iranienne Reza Zarrab, et les fils des deux anciens ministres proches de M. Erdogan, ont rapporté les médias turcs.

Selon les mêmes sources, les magistrats ont justifié leur décision en soulignant que les cinq inculpés libérés avaient interdiction de quitter la Turquie et que toutes les preuves nécessaires à la manifestation de la vérité avaient été rassemblées.

Jusque-là surtout connu pour son goût pour le luxe tapageur et son mariage très médiatisé avec la chanteuse turque Ebru Gündes, M. Zarrab, 30 ans, est soupçonné d'avoir organisé un vaste trafic d'or avec l'Iran sous embargo.

Baris Güler, fils de l'ex-ministre de l'Intérieur Muammer Güler, et Kaan Caglayan, fils de l'ancien ministre de l'Economie Zafer Caglayan, sont eux accusés d'avoir touché des pots-de-vin pour faciliter ses activités.

Ces deux ministres ont démissionné quelques jours après l'éclatement du scandale.

Leur arrestation le 17 décembre dernier dans le cadre d'un vaste coup de filet ordonné par le bureau du procureur d'Istanbul a provoqué un séisme politique qui menace le régime islamo-conservateur au pouvoir depuis 2002, à la veille des élections municipales du 30 mars et de la présidentielle prévue en août.

Des dizaines de patrons, hommes d'affaires, élus ou hauts-fonctionnaires proches du régime ont été inculpés dans cette affaire à tiroirs, qui vise également des malversations à la faveur de marchés publics immobiliers.

Le 14 février, des juges d'Istanbul avaient déjà libéré une première vague de suspects, parmi lesquels l'ex-PDG de la banque publique HalkBank Suleyman Aslan, poursuivi pour avoir dissimulé les activités illicites de M. Zarrab.

Les policiers avaient découvert à son domicile 4,5 millions de dollars en liquide cachés dans des boîtes à chaussures, devenues le symbole brandi par l'opposition et les manifestants qui dénoncent la corruption du régime de M. Erdogan.

Le Premier ministre accuse depuis des semaines ses ex-alliés de la confrérie du prédicateur musulman Fethullah Gülen, très influente dans la police et la justice, d'avoir manipulé cette affaire pour provoquer sa chute.

Pour le contrer, le gouvernement a engagé des purges sans précédant dans ces deux institutions, limogeant ou mutant des milliers de policiers et magistrats.

Il a en outre fait voter une réforme qui place la principale autorité judiciaire du pays, le Haut-conseil des juges et procureurs (HSYK), sous tutelle politique.

Le principal parti d'opposition, le Parti républicain du peuple (CHP) a saisi vendredi la Cour constitutionnelle pour faire annuler cette loi. Mais, dès le texte promulgué, le ministre de la Justice Bekir Bozdag s'est empressé de procéder à des nominations à plusieurs postes clé de cette instance.

L'opposition a crié au scandale, dénonçant la volonté du régime d'étouffer l'affaire. Et dans son rapport annuel sur les droits de l'Homme publié jeudi, le département d'Etat américain a dénoncé la "politisation" du système judiciaire turc.

Interrogé sur les libérations de suspects, le ministre de la Justice Bekir Bozdag a invoqué le secret de l'instruction pour refuser de commenter une "décision de justice".

Cette décision de justice intervient alors que, depuis le début de la semaine, des enregistrements de conversations téléphoniques compromettantes entre M. Erdogan et son fils Bilal ont été diffusées sur internet, relançant les appels à sa démission.

Lors d'une réunion électorale à Balikesir (nord-ouest), le Premier ministre a une nouvelle fois mis en cause l'authenticité de ces bandes et défié M. Gülen.

"C'est à toi que je m'adresse, si tu as du courage, reviens dans ta patrie. Si tu veux faire de la politique c'est ici qu'il faut le faire", a-t-il lancé devant des milliers de partisans.

Signe de la tension électrique qui règne dans le pays, des députés ont à nouveau échangé des coups de poing jeudi soir au Parlement, en plein débat sur la suppression d'écoles privées, à l'origine du conflit entre le pouvoir et la confrérie Gülen.

BA-pa/ih

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