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"Mama Qadeer", 72 ans et 2.000 kilomètres à pied pour la cause baloutche

"Mama Qadeer", 72 ans et 2.000 kilomètres à pied pour la cause baloutche

Turban en colimaçon, sourire d'ivoire et moustache fine dessinant un trait sous son nez, Mama Qadeer a usé ses semelles sur 2.000 kilomètres, à la tête de sa "longue marche" attendue vendredi à Islamabad pour demander la libération des "personnes disparues" au Baloutchistan pakistanais.

Ce banquier à la retraite marche depuis le 27 octobre dernier à la tête d'un petit groupe d'hommes et femmes dont les proches ont été kidnappés, voire tués, pour leur engagement réel ou présumé en faveur de l'indépendance du Baloutchistan.

Cette province de neuf millions d'habitants au sol aride, coincée entre l'Iran et l'Afghanistan, regorge de gisements de gaz naturel et de minéraux, mais reste la région la moins développée du pays, un fossé qui alimente le discours de la rébellion armée en lutte contre le pouvoir pakistanais.

La "longue marche" pacifique de Mama Qadeer au départ de la capitale provinciale Quetta devait s'arrêter 700 kilomètres plus au sud, à Karachi, après avoir alerté l'opinion publique sur les ravages du conflit oublié au Baloutchistan.

Mais à peine arrivé à Karachi fin novembre, Mama Qadeer, ou "Oncle Qadeer", de son vrai nom Abdul Qadeer Baloch, a repris la route sur plus de 1.550 kilomètres pour Islamabad, siège du gouvernement, des ambassades et organisations internationales dans le pays.

"Nous voulons dire (au monde entier) que des personnes sont portées disparues au Baloutchistan. Des gens sont kidnappés chaque jour, des districts bombardés, et nous recevons presque quotidiennement des corps mutilés", confie Mama Qadeer, rencontré sur la route près de Rawalpindi, ville voisine de la capitale Islamabad.

"Nous n'avons plus d'espoir dans le gouvernement pakistanais, c'est pourquoi nous voulons parler à des organisations internationales... afin qu'elles fassent pression sur notre gouvernement", dit cet ex-syndicaliste et militant d'un parti nationaliste baloutche.

Il y a quatre ans, le fils de Mama Qadeer, Jalil Reki, membre du Baloch republican party (BRP), une formation politique soupçonnée d'entretenir des liens avec la rébellion armée, a été enlevé par les services de renseignement.

Mama Qadeer, et d'autres familles éplorées ont alors formé l'organisation La voix des personnes portées disparues au Baloutchistan (VBMP), multiplié les manifestations, les grèves de la faim et les requêtes en cour pour dénoncer la disparition d'activistes de la cause baloutche.

En 2011, Jalil Reki a été retrouvé mort avec deux balles dans la poitrine et une dans la tête.

Las de l'indifférence générale, Mama Qadeer et des familles de "personnes disparues" ont amorcé l'an dernier la traversée du Pakistan en quête de soutien à leur cause, dormant ici chez des amis, là chez des contacts, des ampoules gonflant sous leurs pieds, une procession singulière rappelant la "marche du sel" du vieux Gandhi en 1930 en faveur de l'indépendance de l'Inde.

Pour les 400 derniers kilomètres de cette marche symbolique, le vieux Mama Qadeer a foulé le bitume accompagné de son petit-fils Beaurajh, sept ans et mini-turban, et d'une vingtaine de femmes aux visages recouverts d'un voile ne laissant entrevoir que leurs yeux et sur lequel se moule une casquette à l'effigie de Che Guevara.

"Nous sommes fatigués, nous sommes épuisés, mais nous allons continuer", lance avec un sourire le vieil homme aux pieds usés, faisant rouler dans la main droite les billes de sa "tasbih", son chapelet vert fluo.

"Nous espérons être entendus. Si ce n'est pas le cas, nous évaluerons la situation. Et qui sait peut-être marcherons-nous jusqu'à Genève", dit-il.

gl/pt

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