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Le massacre de Nankin au coeur de la joute diplomatique sino-japonaise

Le massacre de Nankin au coeur de la joute diplomatique sino-japonaise

Les Wang défilent en famille devant les photos du massacre commis par l'armée impériale nippone à Nankin, dans un mémorial utilisé par la Chine dans sa joute diplomatique avec le Japon sur la reconnaissance de ces crimes.

La cadette a 13 ans. "Elle est un peu jeune, mais il faut qu'elle comprenne notre histoire", confie Wang Yang, la mère de l'adolescente.

Chaque année, six millions de visiteurs viennent au mémorial de Nankin, où sont notamment exposés les ossements des victimes civiles et militaires de cette tuerie remontant à 1937.

La prise de Nankin, alors capitale de la République de Chine, avait donné lieu à une vague de meurtres, viols et pillages par les troupes japonaises.

La Chine chiffre à 300.000 le nombre des morts imputables aux militaires nippons durant les six semaines qui ont suivi leur entrée dans la ville le 13 décembre 1937. Un nombre affiché partout dans le mémorial.

Mais, selon des universitaires étrangers, le nombre de victimes serait nettement moins élevé. L'historien américain Jonathan Spence estime ainsi que 42.000 civils et militaires ont été tués et 20.000 femmes violées, dont beaucoup sont mortes par la suite.

Jeudi, la Chine a annoncé que le massacre de Nankin et la victoire contre le Japon lors de la Deuxième guerre mondiale (1945) seraient désormais célébrés par deux journées de commémoration nationale.

Une décision qui s'inscrit dans un contexte de vives tensions entre Pékin et Tokyo, et notamment de fortes dissensions portant sur l'Histoire.

Les autorités chinoises accusent le Japon de refuser d'accomplir un travail de mémoire douloureux sur les atrocités commises par son armée.

Dans cette guerre de propagande, les musées et mémoriaux consacrés en Chine à cette époque bénéficient d'un coup de projecteur voulu par les autorités.

Les médias officiels chinois multiplient donc les sujets sur le passé militariste du Japon et donnent de façon quotidienne la parole aux survivants des exactions sous l'occupation de l'armée impériale.

Le mémorial de Nankin, parfois comparé à ceux d'Auschwitz en Pologne ou d'Hiroshima au Japon, est porteur d'un message politique explicite.

"Inspirés par un esprit patriotique, nous devons nous battre sans cesse pour construire le socialisme chinois", peut-on lire sur un panneau.

Plus loin, l'importance du mémorial est soulignée pour "l'éducation patriotique du peuple, et en particulier de la jeunesse".

Au milieu d'un groupe d'amis visitant le mémorial, un jeune homme dit simplement: "Je ressens de la haine".

Le directeur du mémorial, Zhu Chengshan tient toutefois à préciser que le but n'est pas d'entretenir l'hostilité à l'encontre des Japonais.

"Nous ne cherchons pas à attiser la haine. L'objectif est d'enseigner l'Histoire. Le thème de la paix est aussi développé".

"Ce qui pose problème aux Chinois, c'est l'incapacité du Japon à présenter de réelles excuses pour les atrocités commises pendant la guerre, et parfois la négation de ces crimes".

Les relations entre Tokyo et Pékin sont au plus bas depuis 2012 en raison d'un différend sur la souveraineté d'îles situées en mer de Chine orientale.

La visite le 26 décembre dernier par le premier ministre nippon Shinzo Abe du sanctuaire Yasukuni à Tokyo, où sont enterrés des criminels de guerre, n'a fait que mettre de l'huile sur le feu.

Dans le mémorial, une visiteuse s'arrête devant une photo montrant la tête décapitée d'un Chinois, une cigarette coincée entre les lèvres. Sans doute une dernière humiliation commise par un soldat japonais.

"Si les Chinois viennent voir Nankin, c'est assurément ici qu'ils doivent d'abord se rendre", dit-elle en confiant son amertume.

Plus tôt ce mois-ci, le gouvernement chinois avait organisé une visite du mémorial pour une quarantaine de journalistes étrangers, suivie d'une rencontre avec des survivants pour qu'ils puissent "voir de leur yeux" les preuves des atrocités japonaises, avait déclaré un porte-parole du ministère des affaires étrangères.

Au Japon, certains hommes politiques ultra-conservateurs contestent l'existence des crimes de Nankin. Le gouvernement japonais renvoie à des déclarations de 1995 et 2005 des premiers ministres de l'époque exprimant tous les deux de "plus sincères excuses".

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