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Ukraine/Crimée: quelles sont les probabilités d'une intervention militaire russe?

Ukraine/Crimée: quelles sont les probabilités d'une intervention militaire russe?

La montée des tensions séparatistes en Crimée, une région russophone de l'Ukraine, a atteint des niveaux dangereux, mais les analystes sont partagés sur la possibilité d'une intervention militaire de la Russie.

A Simféropol, capitale de la république autonome de Crimée, dans le sud de l'Ukraine, plusieurs dizaines d'hommes armés pro-russes ont pris jeudi le contrôle du siège du gouvernement et du Parlement locaux.

Ce développement a suscité une mise en garde du président ukrainien par intérim Olexandre Tourtchinov, qui a averti les responsables de la flotte russe de la mer Noire, basée en Crimée, que tout mouvement de troupe armé serait considéré par Kiev comme une "agression militaire".

Tandis que certains observateurs de la crise ukrainienne jugent peu probable une guerre impliquant la Russie, d'autres font un rapprochement entre les événements de Crimée et ceux qui ont mené en 2008 au conflit éclair entre la Russie et la Géorgie à propos de la région séparatiste pro-russe d'Ossétie du Sud.

"Il y a un réel danger", estime Andreas Umland, un analyste politique de l'Académie Mohyla de Kiev. "Il y a des tendances séparatistes, il y a un intérêt russe dans la région, et il y a des affrontements", relève-t-il.

Pour lui, la situation en Crimée "rappelle" celle qui a précédé la guerre de 2008 entre Moscou et Tbilissi. Ce conflit de cinq jours s'est soldé par la reconnaissance par Moscou de l'indépendance de l'Ossétie du Sud et de l'Abkhazie, une autre région pro-russe, et par le déploiement dans ces territoires de milliers de soldats russes.

La décision du président Vladimir Poutine de mettre en alerte les troupes russes le long de la frontière de la Russie avec l'Ukraine a fait monter les tensions et alimenté les inquiétudes des Occidentaux.

Les troubles en Crimée compliquent la situation de l'Ukraine, qui tente de se relever de trois mois d'une crise marquée par les heurts sanglants de Kiev et par la destitution de Viktor Ianoukovitch, et qui doit lutter contre un risque de faillite.

Si les nouvelles autorités pro-occidentales à Kiev ont été bien accueillies dans la région de Kiev et dans l'ouest, elles ont été rejetées par une grande partie de la population russophone de Crimée.

La région, qui a appartenu à la Russie avant d'être rattachée à l'Ukraine en 1954, héberge la flotte russe de la mer Noire dans la ville portuaire de Sébastopol.

Les pro-russes, qui considèrent la destitution de M. Ianoukovitch comme illégitime, réclament la tenue d'un référendum sur le statut de la Crimée, et le Parlement local a fixé jeudi la date de ce référendum au 25 mai, le même jour que l'élection présidentielle anticipée convoquée par Kiev.

Les analystes, partagés sur l'évolution de ces troubles séparatistes, pour l'instant localisés, s'interrogent sur la possibilité d'une escalade susceptible d'entraîner une intervention militaire de la Russie.

Avant la guerre entre la Russie et la Géorgie en 2008, Moscou avait distribué des passeports russes à la population d'Ossétie du Sud. Le Kremlin avait ensuite déclaré qu'il intervenait pour protéger ses citoyens ainsi que les troupes de la force d'interposition installée après le conflit séparatiste du début des années 1990.

Pour Andreas Umland, "une escalade en Crimée, des morts, surtout si ce sont des Russes qui sont tués", tout cela pourrait inciter Moscou à intervenir.

Une autre similitude existe: la Géorgie souhaite intégrer l'Otan, une perspective rejetée par la Russie, et les nouvelles autorités de Kiev se tournent vers l'Union européenne et vers l'Occident, ce qui déplaît aussi fortement à Moscou.

Toujours selon Andreas Umland, Vladimir Poutine, qui tente de juguler la corruption et les problèmes sociaux en Russie, "pourrait avoir besoin d'une petite guerre pour détourner l'attention de sa population" de "ses échecs sur le plan intérieur".

De plus, pour Andy Hunder, directeur de l'Ukrainian Institute, basé à Londres, la destitution de M. Ianoukovitch, que Moscou a soutenu dans l'espoir de ramener l'Ukraine encore davantage dans son giron, représente un grave échec pour M. Poutine en matière de politique extérieure.

D'autres analystes sont d'avis qu'une guerre et une partition de l'Ukraine ne seraient dans l'intérêt de personne, et encore moins dans celui de la Russie.

"Si la Crimée était rattachée à la Russie, (...) tout le monde serait perdant", déclare Balazs Jarabik, du Central European Policy Institute.

Selon lui, toute sécession entraînerait "un conflit ethnique (en Crimée) avec les Tatars", cette communauté de tradition musulmane installée dans la région depuis le XIIIe siècle.

Déportés en Sibérie et en Asie centrale sous Staline, les Tatars sont revenus en Crimée après la chute de l'URSS en 1991. Ils constituent aujourd'hui 12% des deux millions d'habitants de la péninsule.

Les Tatars, qui ont activement soutenu la "révolution orange" pro-occidentale en 2004, sont du côté du nouveau pouvoir de Kiev.

Leur leader Refat Tchoubarov dénonce dans une interview à l'AFP de "nouvelles tendances séparatistes inspirées depuis la Russie".

Autre hypothèse, formulée par Maria Lipman, de la Fondation Carnegie à Moscou: il pourrait s'agir de gesticulations de la Russie visant à rappeler à toutes les parties qu'elle a des intérêts -- notamment de très importants intérêts économiques -- en Ukraine.

"La Russie ne veut pas une résolution par la force de ses problèmes dans ses relations avec l'Ukraine, mais elle va sans aucun doute utiliser des moyens de pression et des leviers économiques (...) afin de garder son contrôle sur la Crimée", estime-t-elle.

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