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Ukraine: la tentation est grande à l'Est de ne plus "payer" pour l'Ouest

Ukraine: la tentation est grande à l'Est de ne plus "payer" pour l'Ouest

A Donetsk, au coeur du bassin houiller du Donbass, dans l'est de l'Ukraine, ils sont nombreux à avoir du mal à joindre les deux bouts et à ne plus vouloir "payer" pour les régions de l'ouest, bien moins industrialisées.

"Ici, nous travaillons pour Kiev et pour l'Ouest", s'emporte Nina Alexandrovna, 72 ans, dont la pension de retraite est d'environ 100 euros par mois.

"Les prix augmentent tout le temps dans les magasins", se plaint-elle par ailleurs.

Dans la mine de charbon "Kalinina", Veniamin Nikolaevitch, le directeur, assure que tout est "normal". "Nous travaillons comme avant" les récents événements à Kiev qui ont abouti ce week-end au renversement du régime de Viktor Ianoukovitch, l'enfant du pays, assure-t-il.

"Nous voulons seulement que l'économie nationale tourne", ajoute cet homme qui fait davantage penser à un bureaucrate tout droit sorti de l'époque soviétique qu'à un "manager" moderne.

On a à peine le temps d'apercevoir de la fenêtre de son bureau des équipements très vétustes, mais qui ont le mérite de fonctionner, avant qu'il ne s'en prenne rudement au "chef de la sécurité" qui a laissé entrer l'équipe de l'AFP, aussitôt raccompagnée manu militari à la sortie.

"Bien sûr que l'on verse les salaires, il n'y a pas d'arriérés", se borne-t-il à répondre à une ultime question.

Les fonctionnaires ne peuvent pas en dire autant, à l'image de Vitali, marié et père de deux enfants.

"Je n'ai pas été payé vendredi dernier. C'est la première fois que cela arrive", raconte-t-il, précisant que son salaire mensuel est de 180 euros.

Pour régler son loyer (100 euros pour 40 m2, à une quarantaine de kilomètres de Donetsk) et assurer le quotidien, il doit faire le taxi, ce qui lui rapporte 500 euros supplémentaires. Sa femme, de son côté, gagne moins de 150 euros.

Quant aux retraités, c'est bien pire, explique l'un d'eux, Viktor Afinogueev, qui touche l'équivalent de 200 euros par mois, dont "un quart est consacré" au logement qu'il partage avec son épouse (36 m2 dans le centre-ville).

L'Ukraine est menacée de faillite sans une rapide perfusion financière. Selon le ministre ukrainien des Finances par intérim, Kiev a besoin de 35 milliards de dollars sur deux ans.

Sur la principale avenue de Donetsk, les boutiques de luxe sont ostensiblement boudées par la population : on y voit les vendeurs tranquillement discuter entre eux et des caissières à moitié avachies sur leur comptoir. Mais pas un client...

Dehors, des cohortes d'employés de la voirie, aux vêtements particulièrement ternes, balaient à tout va.

Or, cette région russophone regorge de richesses dans son sous-sol et l'activité industrielle y est intense, les entreprises ayant très souvent des liens étroits avec la Russie toute proche, et pas seulement géographiques, mais aussi émotionnels.

Dans ces conditions difficiles, la tentation existe chez nombre d'habitants de Donetsk, vaste agglomération à l'aspect toujours très soviétique, de couper les ponts, au plan économique, avec la partie occidentale de l'Ukraine.

Ce sentiment n'est pas celui de Dmitri, un étudiant de 22 ans, pour qui "il faut savoir partager (avec le reste du pays), même si beaucoup disent ici qu'il ne faut plus payer pour les autres provinces, que ce serait plus juste de garder pour nous la richesse que nous produisons".

"Il est vrai que nous contribuons à hauteur d'un quart au produit intérieur brut de l'Ukraine", observe-t-il.

"Mais il faut faire preuve d'humanité", conclut-il avec un large sourire.

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