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Génocide: la justice française se prononce sur l'extradition de Rwandais

Génocide: la justice française se prononce sur l'extradition de Rwandais

La justice française se prononce mercredi sur l'extradition de Rwandais recherchés par Kigali pour leur implication présumée dans le génocide de 1994, une mesure à laquelle la France s'est jusqu'à présent toujours opposée.

La Cour de cassation, plus haute instance judiciaire, rendra trois arrêts très attendus à Paris comme à Kigali, au moment où se tient en France le premier procès d'assises lié aux tueries de 1994. Une vingtaine d'autres dossiers sont en cours d'instruction au pôle "crimes contre l'humanité" de Paris, dont l'un vise un de ces trois hommes, Claude Muhayima.

Le 29 janvier, la Cour a examiné les cas de Claude Muhayimana, Innocent Musabyimana et Laurent Serubuga. A l'audience, l'avocat général s'est clairement prononcé contre une remise des trois hommes aux autorités rwandaises.

La France n'a jamais extradé de génocidaires rwandais présumés, contrairement à plusieurs pays comme le Canada ou la Norvège. Plusieurs fois saisie de cette épineuse question, la Cour de cassation s'est elle-même toujours opposée aux demandes rwandaises d'extradition.

La haute juridiction avait déjà censuré en 2012 et 2013 des avis favorables rendus par les cours d'appel de Rouen (nord-ouest) et Dijon (centre-est) à l'extradition de MM. Muhayimana et Musabyimana.

Cette position était notamment justifiée par deux principes fondamentaux du droit: la "légalité des délits et des peines" et la "non-rétroactivité de la loi pénale", selon lesquels on ne peut être jugé pour une infraction qui n'était pas définie par la loi au moment où les faits auraient été commis.

Le génocide est poursuivi au Rwanda en vertu de lois datant de 1996 et 2004, donc postérieures au génocide qui a fait au Rwanda 800.000 morts selon l'ONU, essentiellement au sein de la minorité tutsi.

En novembre, la cour d'appel de Paris a contourné ce problème en invoquant, d'une part, les conventions internationales de 1948 et 1968 ratifiées par Kigali en 1975 et définissant le génocide et, de l'autre, des dispositions du code pénal rwandais de 1977 réprimant des crimes de droit commun comme l'assassinat et le viol. Elle avait ainsi considéré que le génocide et les crimes contre l'humanité étaient bien incriminés et réprimés par le droit rwandais en 1994.

A l'audience le 29 janvier, une des avocates des trois Rwandais, Me Claire Waquet, a martelé que la légalité et la non-rétroactivité de la loi pénale étaient des "principes marqueurs, fondamentaux de notre démocratie", énoncés dans l'article 8 de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen de 1789.

Ce raisonnement avait déjà été développé en 2003 par la Cour de cassation dans une décision célèbre concernant Paul Aussaresses, un ancien général français pendant la guerre d'Algérie, et dont la conséquence avait été d'écarter toute possibilité de poursuites en tant que "crimes contre l'humanité" des actes de torture commis pendant cette guerre.

Les crimes contre l'humanité -imprescriptibles- ne sont définis dans le code pénal français que depuis 1994. C'est en vertu de cette loi que Pascal Simbikangwa, un ancien capitaine de la garde présidentielle rwandaise, est actuellement jugé à Paris.

Les seuls crimes contre l'humanité antérieurs à 1994 qui ont pu être jugés en France sont ceux commis pendant la Seconde Guerre mondiale (Klaus Barbie, Paul Touvier, Maurice Papon, Aloïs Brunner) en vertu notamment de la Charte du Tribunal international de Nuremberg de 1945.

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