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La prison de Korydallos, une fenêtre sur l'histoire récente de la Grèce

La prison de Korydallos, une fenêtre sur l'histoire récente de la Grèce

Dans les environs d'Athènes, la prison de Korydallos abrite traditionnellement les plus dangereux détenus du pays. Mais, conséquence de la crise politico-économique qui a bouleversé le pays, y croupissent aujourd'hui des prisonniers moins ordinaires: un ex-ministre, des députés néo-nazis, des dirigeants d'extrême gauche et nombre d'hommes d'affaires corrompus.

Parmi les VIP que compte la prison, l'ex-ministre Akis Tsohatzopoulos, 73 ans, cofondateur du parti socialiste Pasok, qui a passé près de vingt ans de sa vie au gouvernement avant d'être condamné en octobre à 20 ans de prison pour blanchiment dans des contrats d'armement.

Il y côtoie d'autres responsables ou hommes d'affaires, impliqués dans des affaires de corruption, comme l'ex-ministre chypriote Dinos Michaelides, extradé en Grèce en septembre. Y résident aussi des représentants de sociétés allemandes ou russes d'armements, accusés de corruption dans cette même affaire de contrats d'armements.

Ou encore le patron d'une ex-banque privée renflouée par l'Etat, accusé d'abus de biens sociaux ou un ex-président d'équipe de football accusé aussi de corruption.

La corruption endémique de son économie serait une des causes de la tournure terrible qu'a pris la crise en Grèce. Montrer un sursaut en la matière faisait partie du paquet imposé par les bailleurs de fonds du pays, l'UE, la BCE et le FMI. Athènes a obtenu en décembre un satisfecit de l'ONG Transparency International pour les progrès accomplis.

L'une des ailes du bâtiment central de Korydallos, surnommée "l'aile VIP" par certains médias grecs, regroupe majoritairement cette délinquance en col blanc.

"Korydallos est considérée comme la prison la plus sûre du pays, ce qui explique cet amalgame", affirme Me Yannis Pagoropoulos, avocat d'Akis Tsohatzopoulos.

Surpeuplée comme la majorité des prisons grecques, Korydallos est la plus grande du pays. Ses cinq bâtiments abritent plus du double de leur capacité, soit environ "2.500 détenus de droit commun, mais aussi des extrémistes ou hommes politiques", relève la Fédération du personnel des prisons (Osye).

Parmi les politiques, s'y côtoient les extrêmes.

Cinq députés et des membres du parti néonazi Aube dorée y sont en détention provisoire pour meurtres et violences dans le cadre de l'offensive contre cette formation après l'assassinat d'un musicien antifasciste.

On y trouve aussi, depuis 2003, une dizaine de membres du 17-Novembre, l'organisation d'extrême gauche la plus meurtrière en Grèce, démantelée en 2002.

S'y ajoutent depuis 2011 des membres de la Conspiration des cellules de feu, la nouvelle génération d'extrémistes, connue pour des attentats aux colis piégés entre 2008 et 2010.

Des membres des deux groupes se retrouvent parfois dans la cour, ce qui alimente les critiques, surtout après la disparition en janvier, lors d'une permission de sortie, de Christodoulos Xiros, membre du 17-N, condamné à perpétuité.

Korydallos ("alouette"), construite dans la banlieue du même nom à l'ouest d'Athènes dans les années 60, "est une plaque tournante, tous (les criminels) passent par ici", affirme à l'AFP Spyros Karakitsos, président de l'Osye.

Initialement conçue pour les détentions provisoires, "elle abrite des condamnés à de lourdes peines, faute d'espace ailleurs", souligne M. Karakitsos.

Les colonels de la junte militaire (1967-1974), condamnés à perpétuité, avaient ainsi purgé leurs peines dans cet établissement.

Une source spécialisée estime cependant que cette cohabitation entre détenus de droit commun et terroristes notamment, "est un problème majeur", et que "les normes européennes ne sont pas respectées".

"C'est un mélange explosif compte tenu aussi des conditions pitoyables des détenus", souligne M. Tsohatzopoulos.

Pour M. Karakitsos "le manque du personnel" dû aux politiques de rigueur des dernières années, "compromet les normes de sécurité". "J'ai honte des conditions dans Korydallos", poursuit-il.

Selon lui, l'établissement d'une "aile VIP" correspond à "la séparation typique dans toute prison", entre nature des crimes et nationalité des détenus, mais pas à "des conditions particulières" de confort dans cette aile.

Pour 12.900 détenus dans les 34 prisons du pays il n'y a que 1.800 employés, les manques sont immenses, a récemment avoué le secrétaire à la politique pénitentiaire du ministère de la Justice, Marinos Skandamis.

La Grèce a été plusieurs fois épinglée par les organismes internationaux sur les conditions misérables de ses prisons. Une mutinerie s'était répandue dans de nombreux établissements dont Korydallos en 2008.

La disparition de Christodoulos Xiros a amené les autorités à s'engager une nième fois à réformer le système pénitentiaire.

La même source spécialisée observe que "le réaménagement des prisons n'avait jamais été une priorité. Ce qui fait que la situation soit ingérable en temps de crise".

hec/od/cac

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