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A Bangui, des "amazones" anti-balaka défendent l'île des Singes

A Bangui, des "amazones" anti-balaka défendent l'île des Singes

C'est une île au milieu de l'Oubangui, le fleuve qui sépare Bangui de la République démocratique du Congo. Un millier d'âmes vivent sur ce bout de terre arboré long de cinq kilomètres. Elles sont protégés par des anti-balaka. Des femmes au crâne rasé qui arborent fièrement leurs machettes.

Elles se tiennent légèrement en hauteur sur la côte nord de l'île des Singes, certaines debout, d'autres couchées sur des nattes devant la petite hutte de terre servant de poste d'observation. Elles font des tours de garde. Huit femmes, certaines en treillis, sur les 11 anti-balaka qui "défendent" l'île.

Yollande Bravo a 19 ans. Son maillot de corps à larges mailles laisse entrevoir son soutien-gorge turquoise. Elle porte un pantalon de treillis beige. Elle est anti-balaka depuis trois mois. "J'ai décidé de rejoindre les anti-balaka quand les Séléka ont tué mon grand frère, le 5 décembre", dit-elle.

Cela faisait déjà plusieurs mois que régnait la terreur imposée par les combattants de la Séléka, mouvement à dominante musulmane qui avait pris le pouvoir en mars 2013 en renversant le président François Bozizé.

Et ce jour-là, le 5 décembre, des anti-balaka, ces milices d'autodéfense issues à l'origine de zones rurales majoritairement chrétiennes, ont mené une attaque vengeresse, initiant un nouveau cycle de vengeance et de représailles interreligieuses, quelques heures à peine avant le déclenchement de l'opération militaire française "Sangaris".

"Les Séléka ont frappé mon petit neveu de 12 ans avec la crosse d'un fusil. J'étais obligée de rejoindre les anti-balaka", raconte Yollande.

En signe de reconnaissance, les huit femmes se sont rasé le crâne en rejoignant la milice. "Nous venons de différents quartiers. Nous sommes toutes victimes de Séléka d'une façon ou d'une autre", assure-t-elle.

Les huit femmes et leurs collègues masculins veillent sur les quelques centaines de familles habitant ici et sur ceux venus trouver refuge sur cette île, épargnée par les violences ces dernières semaines.

Joanna Indien a 20 ans. Elle porte un maillot orange et un short. Elle explique que son mari a été tué par les Séléka. Elle a trois enfants qu'elle a confiés à sa mère qui vit à Bimbo, une commune de Bangui.

"Ils me manquent mais je suis bien obligée de défendre mon pays. A Bimbo il y a la sécurité. Je suis ici car ici c'est dangereux", lance-t-elle au milieu des oies qui déambulent sur le sol en terre battue de l'île des Singes.

Sous le regard bienveillant de leur chef, un homme coiffé d'un bonnet rouge se faisant appeler "Golf", les huit femmes clament qu'elle n'ont pas peur. "Je veux me venger des Séléka. Je suis prête, je suis décidée", déclare Yollande.

Depuis une semaine qu'elle sont en poste ici, elles n'ont pas eu à se battre.

Jean-Anatole Koualet, un cultivateur de 59 ans vivant sur l'île, a été "très surpris" quand il a vu arriver "ces filles", il y a une semaine. "Elles font des rondes de nuit pour nous protéger". Il les appelle "les amazones". Et estime que "hommes ou femmes, ça ne fait pas de différence, depuis nous sommes en paix".

Le vieil homme en chemise blanche raconte la terreur d'avant, depuis mars, quand les rebelles Séléka avaient installé au pouvoir Michel Djotodia, poussé en janvier à la démission par la communauté internationale pour son incapacité à arrêter les tueries.

"Les Séléka m'ont ligoté, tapé. Ils nous traitaient comme des animaux. Ils nous empêchaient même d'aller à la pêche", se souvient-il. Comme tous les habitants, il affirme que des Séléka sont encore de l'autre côté du fleuve, "déguisés", même si la plupart des ex-rebelles ont fui Bangui.

Pour leur mission, les anti-balaka de l'île ne sont pas payés, mais la population les nourrit de feuilles de manioc et de poisson, silures et tilapia.

Des femmes anti-balaka, "il y en a dans chaque section. Certaines ont parcouru 300 ou 400 km pour rejoindre" la milice, affirme le colonel "12 puissances", un des chefs des anti-balaka joint par téléphone: "ce sont souvent des femmes dont le mari a été tué par les Séléka. Elles sont déterminées à défendre la population".

"Dans tous les quartiers on voit que les femmes s'oganisent pour se défendre", assure également Richard Bejouane, un autre chef anti-balaka.

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