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La communauté internationale dans le piège centrafricain

La communauté internationale dans le piège centrafricain

L'ONU veut des renforts français, la France demande des Casques bleus, les grands pays européens ne veulent pas y mettre un pied: la Centrafrique ressemble à un piège pour la communauté internationale, impuissante à aider ce pays à la dérive.

Après avoir longtemps refusé tout renfort, la France s'est résolue vendredi à déployer 400 militaires supplémentaires en Centrafrique, en exhortant dans le même temps l'Union européenne à accélérer l'envoi de son contingent de 500 hommes.

Mais cet effort n'est-il pas trop tardif et sera-t-il suffisant pour mettre un terme aux violences meurtrières qui continuent de secouer quotidiennement le pays ?

La Centrafrique, écumée par des groupes armés et des pillards, où l'Etat ne contrôle plus rien, est en proie au "nettoyage ethnique", selon Amnesty International. Il a été mis en coupe réglée pendant 10 mois par les rebelles musulmans de la Séléka, mais la nébuleuse de milices à majorité chrétienne anti-balaka est désormais considérée comme "le principal ennemi de la paix" par Paris.

Près d'un million de déplacés et réfugiés ont été jetés sur les routes, sur une population de 4,6 millions d'habitants.

Cette catastrophe humanitaire "indescriptible", selon les termes du Haut commissaire aux réfugiés Antonio Guterres, se poursuit malgré la présence de quelque 7.000 soldats étrangers (1.600 Français à l'heure actuelle et 5.400 militaires de la Misca, la force de l'Union africaine), mandatés début décembre par l'Onu pour restaurer l'ordre et la sécurité.

Face au chaos, tous les protagonistes - la communauté internationale, le gouvernement de transition centrafricain, les ONG - s'accordaient depuis plusieurs semaines sur un point: il faut plus de militaires et de policiers sur le terrain pour rétablir l'ordre et la sécurité, priorité des priorités avant de reconstruire un semblant d'Etat et d'administration.

"Il y a un manque cruel de troupes. Dès le départ, nous avons dit, l'ONU a dit, qu'il fallait au moins 9.000 à 10.000 hommes", rappelle Geneviève Garrigos, la présidente d'Amnesty France.

Son organisation vient de dénoncer dans un rapport la réponse "trop timorée" des forces internationales face au "nettoyage ethnique" dont sont victimes les musulmans, tués ou poussés à l'exode par les milices anti-balaka. Ces dernières multiplient les exactions depuis l'éviction, le 10 janvier, du président Michel Djotodia et des rebelles musulmans de la Séléka qui l'avaient porté au pouvoir en mars 2012.

Problème: "tout le monde veut se passer la patate chaude de la Centrafrique", résume abruptement Thierry Vircoulon, spécialiste de l'Afrique centrale à l'International Crisis Group (ICG).

"Il n'est pas question que la France règle la question seule. Nous n'avons ni la vocation, ni les moyens de gérer l'intégralité de cette crise, et chacun doit prendre ses responsabilités", martèle un haut responsable diplomatique.

Jeudi, le président français François Hollande a pressé l'Onu "d'accélérer" l'envoi dans le pays de Casques bleus, envisagé dans une résolution votée en décembre.

Mais une opération de maintien de la paix, qui doit être validée par une nouvelle résolution du Conseil de sécurité des Nations unies, se heurte encore à des réticences, notamment américaines - pour des raisons budgétaires -, mais aussi de certains pays africains - Tchad et Congo - déjà très impliqués en Centrafrique avec de gros contingents au sein de la Misca.

En outre, une telle opération ne pourra être mise sur pied avant mi-2014.

Les renforts européens - plusieurs centaines de militaires pour sécuriser l'aéroport de Bangui et appuyer les forces françaises et la Misca - pourraient commencer à arriver début mars, mais d'ores et déjà plusieurs grands pays européens, Grande-Bretagne et Allemagne en tête, ont fait savoir qu'ils n'enverraient pas de soldats. Cette unité "Eufor-RCA" devrait être constituée en grande partie de militaires français et de pays comme la Pologne, l'Estonie ou la Géorgie (qui ne fait pas partie de l'Union européenne).

"Le problème, c'est qu'on est en train d'empiler les effectifs militaires sans avoir une vraie stratégie sur le rétablissement de la sécurité", déplore Thierry Vircoulon, de l'ICG. "Depuis le début, on est toujours en retard d'un événement. On est arrivé sur Bangui pour désarmer les rebelles Séléka, et on a été surpris par la montée en puissance des anti-balaka. On a chassé les Séléka de Bangui mais demain, on s'étonnera qu'ils se soient constitué un petit royaume dans le nord-est du pays".

Le "tout militaire" ne convient pas à une situation aussi volatile que la Centrafrique, a souligné récemment au Conseil de sécurité de l'ONU l'ambassadeur de France Gérard Araud. "Seule une force multidimensionnelle de maintien de la paix, avec un volume important et surtout des unités de police, mais aussi une forte composante civile et des financements pérennes, permettra de stabiliser le pays, de préparer les élections et d'entamer une réconciliation nationale", a-t-il insisté.

cf/prh/kat/jpc

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