Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

La communauté internationale face au piège centrafricain

La communauté internationale face au piège centrafricain

L'ONU veut des renforts français, la France demande des Casques bleus, les grands pays européens ne veulent pas y mettre un pied: la Centrafrique ressemble à un piège pour la communauté internationale, impuissante à aider ce pays à la dérive.

Le pays écumé par des groupes armés et des pillards, où l'Etat ne contrôle plus rien, est en proie au "nettoyage ethnique", selon Amnesty International. Il a été mis en coupe réglée pendant 10 mois par les rebelles musulmans de la Séléka, mais la nébuleuse de milices d'autodéfense à majorité chrétienne anti-balaka est désormais considérée comme "le principal ennemi de la paix".

Près d'un million de déplacés et réfugiés ont été jetés sur les routes, sur une population de 4,6 millions d'habitants.

Cette catastrophe humanitaire "indescriptible", selon les termes du Haut commissaire aux réfugiés Antonio Guterres, se poursuit malgré la présence de quelque 7.000 soldats étrangers (1.600 Français et 5.400 militaires de la Misca, la force de l'Union africaine), mandatés début décembre par l'Onu pour restaurer l'ordre et la sécurité, et en dépit aussi des millions d'euros promis par les pays donateurs pour sortir la Centrafrique du gouffre.

Face au chaos, tous les protagonistes - la communauté internationale, le gouvernement de transition centrafricain, les ONG - s'accordent sur un point: il faut plus de militaires et de policiers sur le terrain pour rétablir l'ordre et la sécurité, priorité des priorités avant de reconstruire un semblant d'Etat et d'administration.

"Il y a un manque cruel de troupes. Dès le départ, nous avons dit, l'ONU a dit, qu'il fallait au moins 9.000 à 10.000 hommes", rappelle Geneviève Garrigos, la présidente d'Amnesty France.

Son organisation vient de dénoncer dans un rapport la réponse "trop timorée" des forces internationales face au "nettoyage ethnique" dont sont victimes les musulmans, tués ou poussés à l'exode par les milices anti-balaka. Ces dernières multiplient les exactions depuis l'éviction, le 10 janvier, du président Michel Djotodia et des rebelles musulmans de la Séléka qui l'avaient porté au pouvoir en mars 2012.

Problème: "tout le monde veut se passer la patate chaude de la Centrafrique", résume abruptement Thierry Vircoulon, spécialiste de l'Afrique centrale à l'International Crisis Group (ICG).

Et la France, en première ligne dans la crise qui secoue son ancienne colonie et déjà largement engagée au Mali, ne veut pas augmenter le volume de ses troupes.

"Il n'est pas question que la France règle la question seule. Nous n'avons ni la vocation, ni les moyens de gérer l'intégralité de cette crise, et chacun doit prendre ses responsabilités", martèle un haut responsable diplomatique, alors que le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon a demandé en début de semaine à Paris d'"envisager de déployer davantage de troupes en Centrafrique".

Sans s'exprimer sur cette demande, le président français François Hollande a pour sa part pressé jeudi M. Ban "d'accélérer" l'envoi dans le pays de Casques bleus, envisagé dans une résolution votée en décembre.

Mais une opération de maintien de la paix, qui doit être validée par une nouvelle résolution du Conseil de sécurité des Nations unies, se heurte encore à des réticences, notamment américaines - pour des raisons budgétaires -, mais aussi de certains pays africains - Tchad et Congo - déjà très impliqués en Centrafrique avec de gros contingents au sein de la Misca.

En outre, une telle opération ne pourra être mise sur pied avant l'été. "Trop tard", selon Geneviève Garrigos.

Les renforts européens - 500 militaires pour sécuriser l'aéroport de Bangui et appuyer les forces françaises et la Misca - pourraient commencer à arriver début mars, mais d'ores et déjà les grands pays européens, Grande-Bretagne et Allemagne en tête, ont fait savoir qu'ils n'enverraient pas de soldats. Cette unité "Eufor-RCA" devrait donc être constituée en grande partie de militaires français et de pays comme l'Estonie ou la Géorgie (qui ne fait pas partie de l'Union européenne).

"Le problème, c'est qu'on est en train d'empiler les effectifs militaires sans avoir une vraie stratégie sur le rétablissement de la sécurité", déplore Thierry Vircoulon, de l'ICG. "Depuis le début, on est toujours en retard d'un événement. On est arrivé sur Bangui pour désarmer les rebelles Séléka, et on a été surpris par la montée en puissance des anti-balaka. On a chassé les Séléka de Bangui mais demain, on s'étonnera qu'ils se soient constitué un petit royaume dans le nord-est du pays".

Le "tout militaire" ne convient pas à une situation aussi volatile que la Centrafrique, a souligné récemment au Conseil de sécurité de l'ONU l'ambassadeur de France Gérard Araud. "Seule une force multidimensionnelle de maintien de la paix, avec un volume important et surtout des unités de police, mais aussi une forte composante civile et des financements pérennes, permettra de stabiliser le pays, de préparer les élections et d'entamer une réconciliation nationale", a-t-il insisté.

cf/prh/mba

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.