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Comment les soldats ont-ils "tenu" dans les tranchées? Des historiens répondent

Comment les soldats ont-ils "tenu" dans les tranchées? Des historiens répondent

Comment les combattants de la Grande guerre ont-ils "tenu" aussi longtemps dans les conditions épouvantables des tranchées? Explications à l'AFP des historiens Gerd Krumeich, de l'Université de Düsseldorf, John Horne, du Trinity College de Dublin, et Annette Becker, de l'Université de Paris-Ouest Nanterre:

-Gerd Krumeich:

"C´est qu´ils étaient tous patriotes, et restèrent totalement convaincus qu'en étant au front ils défendaient leur pays. Evidemment la discipline a joué un rôle, et aussi le sentiment de solidarité et de loyauté envers les camarades qu´on n´a pas le droit de quitter. Mais le sentiment le plus fort a toujours été la conviction profonde d´être là pour la protection de la patrie".

-John Horne:

"Ils ont tenu en partie par des réflexes traditionnels de soumission à l'autorité, mais aussi par le sens de l'identité nationale et de la légitimité de leur combat. En 1914, la quasi-totalité des combattants, quel que soit leur camp, avaient le sentiment de se défendre contre une agression. Bien sûr, la force et la contrainte ont joué leur rôle, mais la répression seule aurait été impuissante à obliger les soldats à se battre, comme le montrent les mutineries de 1917 en France et en Russie.

Les codes de comportements masculins, la solidarité entre camarades de combat, ont aussi joué. De même que l'illusion que la prochaine offensive apporterait enfin la victoire, justifiant le sang versé. Lorsque cette illusion se dissipa enfin, ce furent les mutineries de 1917".

-Annette Becker:

"Si les soldats ont tenu c'est d'abord qu'ils ne restaient en fait pas très longtemps en première ligne, deux ou trois jours d'affilée avant d'être relevés. Les temps de combat extrême étaient généralement peu nombreux pour la plupart des hommes. Ca ne diminue pas l'horreur du front. Durant les grandes batailles, c'est absolument épouvantable. A Verdun les combattants sont parfois restés huit jours en première ligne sans pouvoir être relevés, sans eau, sans nourriture. Si on a qualifié Verdun d'+enfer+, c'est qu'il n'y avait pas d'autre mot: un paysage totalement désertifié, plus d'arbres, plus d'herbe, plus rien, et les soldats sautant de trou d'obus en trou d'obus, l'odeur des corps en décomposition partout, les cris des mourants... Mais dans les lignes arrière les conditions de vie sont plus supportables, même si elles ne sont pas fameuses.

Ce qui fait aussi tenir les combattants, c'est l'illusion que la prochaine bataille apportera la victoire. On croit chaque fois que ça va bientôt être fini. Que le sacrifice est dur, mais que ça va être pour l'emporter très vite. En 1916 les deux blocs vont décider en même temps des attaques, sur Verdun et sur la Somme, avec la même idée: on va enfin gagner. Et on arrive, de façon extraordinaire, à en convaincre les hommes. A partir de 1917, les combattants sont certes de moins en moins convaincus. Mais ils continuent parce qu'il y a eu trop de morts, et que renoncer, abandonner là ces morts, ce serait les trahir.

Avec de temps en temps tout de même des éclats comme les refus d'obéissance français lors de la catastrophe de l'offensive Nivelle sur le Chemin des Dames. Et puis en 1918, face à l'ultime offensive des Allemands, qui a bien failli réussir, ceux-là mêmes qui étaient prêts à arrêter en 17 se sont dit : +c'est impossible, on ne peut pas les laisser gagner+. Et on assiste à une énorme remobilisation patriotique, culturelle, affective".

lma/pt

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