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Chute d'Enrico Letta: l'Italie retombe dans ses vieux travers

Chute d'Enrico Letta: l'Italie retombe dans ses vieux travers

Avec la chute d'Enrico Letta, sacrifié par son propre camp, l'Italie retombe dans ses vieux travers avec des gouvernements qui se succèdent à une vitesse méconnue à l'étranger, fruit d'un système politique obsolète dans lequel le chef de l'exécutif est l'un des maillons les plus faibles.

Le futur gouvernement, probablement dirigé par Matteo Renzi, l'ambitieux chef du Parti démocrate (PD) qui a éjecté jeudi Enrico Letta de son siège, sera le quatrième exécutif du pays en moins de deux ans, depuis la démission en novembre 2011 de Silvio Berlusconi.

"L'instabilité est fruit du système politique qui prévoit deux chambres (Sénat et Chambre des députés, ndlr) ayant le même poids alors que les majorités y sont différentes", rappelle à l'AFP Ernesto Galli della Loggia, historien et éditorialiste du principal tirage italien, le Corriere della Sera.

Le PD a remporté en février 2013 la majorité absolue à la Chambre des députés, mais aucune majorité claire ne s'était dégagée au Sénat où le centre gauche, le centre droit et le Mouvement Cinq Etoiles (M5S) de l'ex-humoriste Beppe Grillo ont un poids équivalent.

Les différentes lois électorales italiennes de ces dernières décennies n'ont pas permis la naissance d'un système permettant à un parti seul de remporter les élections. Des coalitions plus ou moins hétérogènes se créent, octroyant aux plus petits partis capacité de chantage et de nuisance.

"En plus, la figure du chef du gouvernement est d'un point de vue institutionnel extrêmement faible. Il n'a même pas le pouvoir de nommer ou révoquer ses ministres sans l'accord du président de la République", poursuit M. Galli della Loggia.

"Le chef du gouvernement ne peut même pas dicter une politique à un ministre qui écoute davantage les ordres provenant de son parti d'origine que ceux du président du Conseil", ajoute l'expert.

Pour l'éditorialiste Franco de Benedetti, la stabilité du gouvernement Letta était "une stabilité mortuaire consistant à ne rien faire".

"En revanche, Renzi est quelqu'un qui bouge beaucoup, il est comme un cycliste, s'il s'arrête de pédaler il tombe", dit-il à l'AFP, estimant que "les espoirs suscités représentent les principaux ennemis de Renzi" l'obligeant à ne jamais s'arrêter.

La personnalité et le parcours de Matteo Renzi, excellent tribun, expliquent aussi en partie la chute d'Enrico Letta, homme des institutions, terne devant les caméras.

"Carriériste sans scrupules", selon Beppe Grillo, Matteo Renzi est un homme pressé et "il était illusoire de penser que quelqu'un comme lui se serait résigné à vivoter en attendant son tour", écrit La Stampa.

Le jeune maire de Florence (39 ans), qui a fait l'essentiel de sa carrière politique au niveau régional, "a débuté sa partie il y a deux ans et il a fini par devenir chef du PD contre la volonté de son parti, ce qui l'oblige à relancer sans arrêt et il ne peut pas s'arrêter", estime M. Galli della Loggia.

Matteo Renzi est devenu chef du PD à l'issue des primaires fin 2013 qui ont vu la participation d'environ 2,5 millions de sympathisants de la gauche. Il a accédé à ce poste contre la volonté des caciques du parti qui ne l'ont jamais considéré comme l'un des leurs à cause de ses origines politiques démocrate-chrétienne.

La destitution d'Enrico Letta par la direction du PD jeudi a été particulièrement sèche et rapide, sans égard envers celui qui était pourtant le numéro deux du parti avant d'être nommé chef du gouvernement.

"Renzi est ambitieux, agressif, du genre +je veux tout et tout de suite+. Mais son gouvernement sera objectivement plus fort ne serait-ce que parce que lui même ne sera plus en dehors mais dedans", a indiqué à l'AFP Giuseppe Orsina, professeur de sciences politique de l'Université Luiss de Rome.

"Sa légitimité démocratique faible, il arrive au pouvoir sans passer par des élections, rendra cependant difficiles des initiatives de gouvernement fortes", conclut l'expert.

"Mais Renzi, combien de temps il va durer?", s'interroge Il Fatto quotidiano, résumant la question que tous se posent.

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