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"Anderson", pape du Berlin-est underground... et informateur de la Stasi

"Anderson", pape du Berlin-est underground... et informateur de la Stasi

Vingt-cinq ans après la chute du Mur, un documentaire présenté à la Berlinale retrace la double vie de Sascha Anderson, pape de la scène artistique underground de Berlin-est qui, parallèlement, travaillait comme informateur de la Stasi, la police secrète est-allemande.

Cet écrivain, poète et musicien a aujourd'hui 61 ans. Il vit à Francfort, mais fut une figure incontournable de Prenzlauer Berg, ce coin de Berlin, repère des artistes alternatifs de la RDA dans les années 80, et aujourd'hui l'un des quartiers les plus prisés de la capitale allemande.

Sascha Anderson aurait pu devenir l'une des grandes figures intellectuelles de son pays, mais il reste désormais associé au surnom "Sascha Arschloch" (Sascha l'enculé), que lui donna l'un de ses amis artistes en révélant au public que l'ex-étoile de l'underground berlinois avait été, des années durant, un informateur de la Stasi, un IM ("Informeller Mitarbeiter", collaborateur informel).

"Anderson", le film que la réalisatrice d'origine est-allemande Annekatrin Hendel lui a consacré, fait beaucoup plus que retracer le parcours de celui qui, pour ses amis et pour beaucoup d'autres, incarne la figure absolue du traître.

"Je ne suis pas juge, mais réalisatrice", a-t-elle expliqué à l'AFP. "Je voulais entendre l'histoire racontée par lui et par ceux qui de différentes manières ont eu une relation avec lui (...) Ce film sur la culpabilité et l'expiation pose aussi la question de savoir si, 25 ans après, nous sommes capables de parler de ça, de voir où nous en sommes".

Si les documents d'archive font pénétrer le spectateur dans cette époque passionnante d'effervescence où la création artistique libre trouvait refuge dans les arrière-cours et les cuisines d'appartement, le film s'intéresse en effet plus au rapport passé-présent, à comment ce groupe d'ex-amis et, au premier chef, Anderson lui-même, parviennent à vivre avec cette mémoire encombrée de mensonges, de trahisons, de culpabilité ou de rancoeurs.

Par extension, c'est son pays qu'Annekatrin Hendel interroge et les réponses qu'elles a reçues au moment des projections organisées pendant la Berlinale montrent à quel point ce passé reste vif. "C'est vraiment trop d'honneur fait à cet homme", affirmait mercredi une spectatrice tandis qu'Anderson était qualifié de "monstre" et le film d'"insupportable", au cours de la première organisée mardi soir au Kino International, l'ex-grand cinéma de Berlin-Est, installé sur l'avenue qui se nomme toujours Karl-Marx Allee.

D'autres louaient l'objectivité du propos et la sensibilité d'approche de la réalisatrice qui laisse abondamment Anderson s'exprimer dans le film. "Je ne voulais pas montrer ce que je voulais voir, mais plutôt ce qui est, je trouve ça beaucoup plus intéressant", a-t-elle souligné. "Je voulais montrer comment il vit dans ce monde, quelles explications il se donne et nous donne".

Anderson ne se cherche pas d'excuses, il ne demande pas pardon. "On voit ses yeux, son incertitude (...) il y a toujours cette nature contradictoire qui se dégage de lui", affirme Mme Hendel. Oui, il a collaboré volontairement, oui, il savait les conséquences pour ses amis et connaissances des rapports hebdomadaires qu'il transmettait à son officier de liaison.

Mais il semble ne pas complètement comprendre comment il a pu mener ces deux vies, parlant même à certains moments à la troisième personne de l'homme qu'il était alors. Par moments également, s'instille le doute sur la sincérité actuelle du personnage, comme si on ne pouvait pas, aujourd'hui, croire celui qui, jadis, mentait.

Il "fait partie de notre histoire, on ne peut l'en exclure, même si c'est douloureux de s'en souvenir", dit la réalisatrice. Mardi, Anderson était présent dans la salle pour la première.

Après le film, il est allé boire un verre avec ses ex-amis. Ils ne s'étaient pas revus depuis plus de 25 ans, la nuit a été longue, a confié Mme Hendel.

elr/aro/bds

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