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Ukraine: répression judiciaire contre des manifestants qualifiés d'émeutiers

Ukraine: répression judiciaire contre des manifestants qualifiés d'émeutiers

Un vieillard accusé d'organiser des émeutes, un handicapé atteint par des balles en caoutchouc, un père de famille arrêté pour avoir apporté des pneus: la répression contre les manifestants en Ukraine est dénoncée par les défenseurs des droits de l'homme.

"J'étais allé voir ce qu'il se passait et apporter mon soutien aux manifestants sur une barricade quand la police a tiré. J'ai reçu une balle en caoutchouc dans la tête et trois dans l'estomac", témoigne Ivan Kholod, 54 ans, dans un austère hôpital de Kiev.

Cet homme qui s'exprime lentement, handicapé depuis un accident cardio-vasculaire survenu il y a dix ans est accusé d'organisation d'émeutes massives, un crime pour lequel il encourt quinze ans de prison.

Selon le député d'opposition Guennadi Moskal, ancien vice-ministre de l'Intérieur, entre le 19 et le 23 janvier 1.000 manifestants ont été blessés par les forces de l'ordre qui ont agi, selon lui, de manière "disproportionnée" et "illégale".

Dans une autre chambre d'hôpital, Mykola Passychnik, un retraité de 72 ans, qui souffre d'un traumatisme crânien après avoir été frappé à la tête à coups de matraque, est lui aussi accusé d'être un émeutier.

"Je suis allé prendre quelques photos, mais la police a chargé, j'ai été frappé et j'ai perdu connaissance. Je me suis réveillé dans le camion de police", raconte-t-il.

Les organisations de défense des droits de l'homme dénoncent de longue date les violences policières en Ukraine, mais la situation s'est nettement aggravée depuis le début du mouvement de contestation fin novembre.

Amnesty International a lancé le 11 février une campagne contre "l'impunité policière" en Ukraine.

Après la publication d'une vidéo montrant un manifestant nu dans la neige et portant des traces de coups, entouré de membres des forces anti-émeute Berkout, particulièrement haïes et redoutées, le ministère de l'Intérieur a été contraint de présenter ses excuses.

La répression est aussi judiciaire, avec des dizaines de personnes inculpées d'organisation de troubles massifs.

En réaction, les défenseurs des droits de l'homme ont créé une structure, Euromaïdan SOS, destinée à assurer l'aide juridique des personnes mises en cause.

"Nous l'avons créée en constatant le nombre élevé de violations des droits de l'homme, allant de l'atteinte à la liberté d'expression ou de rassemblement pacifique à des brutalités policières que l'on peut qualifier de torture", explique Alissa Novitchkova, enseignante.

L'un des avocats du réseau, Dmytro Guzii, estime que depuis fin novembre, 500 personnes ont fait appel aux juristes de l'association pour obtenir une aide légale.

De violents affrontements ont parfois opposés forces de l'ordre et manifestants radicaux, mais "la plupart de ceux qui ont été blessés par des policiers alors qu'ils prenaient part à des rassemblements pacifiques", dénonce-t-il.

"Certaines procédures légales sont hallucinantes", confirme Alissa Novitchkova et raconte qu'un "père de famille au volant de sa camionnette, dans laquelle se trouvaient ses enfants âgés de trois et un an, a été arrêté parce qu'on y a découvert une dizaine de pneus (utilisés par les manifestants sur les barricades, ndlr)". Lui aussi risque quinze ans de prison.

Une loi d'amnistie a bien été votée fin janvier, mais son application est conditionnée par le pouvoir au retrait des manifestants des bâtiments officiels qu'ils occupent.

Cela n'a pas empêché la justice d'annoncer mercredi que les poursuites contre deux hauts responsables, dont le maire de Kiev, accusés d'avoir ordonné la violente dispersion d'une manifestation fin novembre, ont été abandonnées en vertu d'une d'amnistie.

Le parti d'opposition Oudar du champion de boxe Vitali Klitschko a dénoncé le "cynisme" du pouvoir en soulignant que ces resposables ont été amnistiés alors que "le procureur requiert 15 ans de prison contre un homme parce qu'il avait des pneus dans le coffre de sa voiture".

Alors qu'au moins quatre manifestants ont été tués, vingt sont toujours portés disparus autour de la place de l'Indépendance, bastion de la contestation populaire contre le président Viktor Ianoukovitch, toujours occupée.

"Ce sont des gens qui ont été enlevés, ensuite ceux qui ont été arrêtés par la police mais qui ne sont pas encore enregistrés dans les commissariats, et puis ceux qui se cachent", énumère Alissa Novitchkova.

"Un étudiant de 19 ans, Kyrill, a été enlevé et emmené par des inconnus dans les bois au nord de Kiev. Là, il a été battu et abandonné sur place", explique-t-elle.

Comme Dmytro Boulatov, un militant battu et mutilé par ses ravisseurs et qui est aujourd'hui réfugié en Lituanie, Kyrill s'en est sorti vivant, une chance dont n'a pas bénéficié un autre opposant, Iouri Verbitsky dont le corps sans vie a été retrouvé en janvier dans les bois.

thm-mbx/neo/gg

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