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Thaïlande: les aides aux riziculteurs, effet boomerang sur le gouvernement

Thaïlande: les aides aux riziculteurs, effet boomerang sur le gouvernement

Paysans en colère, montagnes de riz invendu et accusations de corruption: en Thaïlande, le programme d'aide aux riziculteurs qui a aidé la Première ministre à accéder au pouvoir menace désormais de se retourner contre elle.

Cette promesse de campagne, qui a conduit le gouvernement à acheter la céréale aux paysans jusqu'à 50% au-dessus du prix du marché, avait contribué à la large victoire de Yingluck Shinawatra aux élections de 2011.

Mais les subventions font aujourd'hui l'objet de toutes les critiques, ajoutant encore un peu plus de pression sur un gouvernement qui se débat depuis plus de trois mois avec une crise politique que les élections chaotiques du 2 février n'ont pas apaisée.

Les détracteurs du programme l'accusent d'avoir entraîné une corruption massive, porté un coup aux finances publiques, fait perdre au royaume sa place de premier exportateur mondial de riz et créé un stock d'invendus estimé à 18 millions de tonnes.

La grogne a même gagné les riziculteurs, dont des centaines ont récemment manifesté à Bangkok pour réclamer des arriérés de paiement de plusieurs mois.

Le conseil des ministres a débloqué mardi une enveloppe de quelque 16 millions d'euros pour 3.900 paysans.

Mais, symptôme des contraintes qui pèsent sur un gouvernement condamné à expédier les affaires courantes, la commission électorale devra approuver cette décision.

Selon l'Institut de Recherche sur le développement en Thaïlande (TDRI), le gouvernement doit de toute façon environ 2,6 milliards d'euros à un million de riziculteurs.

La Thaïlande avait espéré obtenir cet argent en stockant le riz pour faire monter les prix mondiaux.

Mais elle a été incapable de trouver des acheteurs après l'augmentation surprise des exportations de ses concurrents, notamment l'Inde et le Vietnam.

"L'industrie thaïlandaise du riz dans son ensemble s'est effondrée et sa réputation sur le marché mondial de fournisseur fiable de riz de qualité s'est envolée", a dénoncé Ammar Siamwalla, de l'Association thaïlandaise des exportateurs de riz, qui prévoit la vente de 7,5 millions de tonnes à l'étranger cette année, soit une baisse de 30% par rapport à 2011.

Le gouvernement n'a pas révélé les coûts annuels du programme mais le TDRI l'estime entre 3,4 et 4,4 milliards d'euros, soit 6 à 8% du budget de l'Etat.

Le parti au pouvoir a malgré tout défendu une politique destinée à réduire la pauvreté dans les campagnes.

Et Yingluck a de son côté rejeté la responsabilité sur les manifestants: en empêchant les législatives dans de nombreuses circonscriptions, ils ont prolongé un gouvernement aux pouvoirs limités, incapable de lever des fonds.

"Nous essayons de résoudre le problème de notre mieux (...) mais les banques n'approuvent pas de prêts", a-t-elle déclaré mardi, assurant malgré tout de la bonne santé financière de l'Etat.

Une entreprise chinoise a récemment annulé une commande d'un million de tonnes après l'inculpation par la commission anti-corruption (NACC) de plusieurs responsables liés au programme. La puissante commission a également lancé contre Yingluck une enquête qui pourrait conduire à sa destitution.

"Chaque élément du programme riz est corrompu", a déclaré à l'AFP le député de l'opposition Warong Dechgitvigrom, assurant que les subventions avaient notamment conduit à des inventaires gonflés par du riz médiocre venu du Cambodge ou de Birmanie.

"Je pense que c'est presque la fin pour Yingluck", a poursuivi le député, qui avait saisi la NACC.

Les électeurs de l'Isan, région rurale du nord-est où vit un tiers de la population, sont des soutiens traditionnels de la famille de Yingluck, en particulier de son frère Thaksin.

Cet ancien Premier ministre renversé par un coup d'Etat en 2006 reste, malgré son exil, le personnage central de la politique du royaume.

Il est détesté par les manifestants proches des élites qui réclament la tête de sa soeur mais adoré des plus pauvres, bénéficiaires de ses politiques de développement.

L'impossibilité de payer les paysans pourrait éroder cette "base rurale traditionnellement ultra-fidèle", a noté Paul Chambers, de l'université de Chiang Mai.

Mais l'impact sur la popularité du gouvernement est pour l'instant imprévisible.

Mali Khampimaan, rizicultrice à Udon Thani qui attend le paiement de 550 euros pour du riz livré en novembre, n'en veut pas au gouvernement.

"Les banques ne paient pas à cause des manifestants", a-t-elle estimé. "Mais nous avons besoin de l'argent".

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