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Les Bosniens dénoncent la paupérisation, veulent un "Etat juste"

Les Bosniens dénoncent la paupérisation, veulent un "Etat juste"

Près de vingt ans depuis la fin d'un conflit intercommunautaire sanglant (1992-95), confrontés à une sévère crise économique, les Bosniens descendent dans la rue depuis une semaine pour dénoncer la pauvreté et la corruption qui rongent leur pays.

"Qu'est-ce que j'étais heureux d'être vivant à la fin. Mais depuis... j'aimerais tellement pouvoir passer un coup d'éponge sur ces derniers dix-huit ans de malheur", lâche Enver Djozo, 56 ans, qui vient quotidiennement manifester contre le pouvoir à Sarajevo.

Cheveux gris, chaussures et vêtements usées mais propres, Enver est sans emploi depuis cinq ans. Il gagne sa vie en faisant des petits travaux.

Auparavant il avait travaillé dans une usine militaire à Sarajevo, Zrak, spécialisée dans l'optique de précision. Jadis fierté de l'industrie yougoslave qui employait plus de 4.000 personnes, cette fabrique survit à peine en raison de la mauvaise gestion de la direction, accuse Enver.

"Les gens en ont ras-le-bol. Ils demandent du pain pour nourrir leurs familles", dit Enver en montrant le siège de la présidence bosnienne mis à feu lors d'une violente manifestation vendredi.

En Bosnie, un des pays les plus pauvres d'Europe, le chômage touche 44% des 3,8 millions d'habitants.

Enver a une fille, étudiante en chimie. Son épouse est elle aussi sans emploi depuis plus d'un an. La famille survit dans des conditions particulièrement difficiles grâce à une maigre retraite d'environ 150 euros, que touche chaque mois la mère d'Enver, âgée de 85 ans.

"Et bien voilà pourquoi je viens ici tous les jours", lâche cet homme.

Face à cette dure réalité, surgit la nostalgie de la stabilité et d'une certaine prospérité de l'ex-Yougoslavie du maréchal Tito, démantelée dix ans après sa mort dans des conflits sanglants au début des années 1990 et dont la Bosnie était une des six républiques.

"Tito... il faut enlever son chapeau lorsqu'on prononce son nom", dit Enver, mélancolique.

Aida Zilic, 29 ans, est médecin. Mais sans travail. A la sortie de la faculté elle a fait un stage de formation d'un an, avant de se retrouver au chômage.

"Il me faudrait une spécialisation pour continuer, mais les places dans nos hôpitaux sont réservées pour une certaine élite", s'insurge cette jeune femme qui assure qu'il faut payer d'importants pots-de-vin pour contourner une telle impasse.

"Ma mère ne travaille pas. Mon père est chauffeur de bus et gagne environ 500 euros par mois", résume-t-elle sa triste réalité.

"Nous avons besoin d'un État juste, d'un État capable d'offrir les mêmes chances à tout le monde et qui ne va pas pousser sa jeunesse à quitter le pays", s'emporte-t-elle.

Lui aussi présent tous les jours dans la foule des manifestants réclamant la démission du gouvernement, Sead Karic, 55 ans, est sans emploi.

Mais il assure venir manifester à la place de son fils, jeune ingénieur mécanique qui a été contraint s'expatrier en Allemagne faute d'avoir trouvé un emploi dans son propre pays.

"Ici il travaillait comme garçon de café chez un ami pour 250 euros par mois. Ca me fait tant de peine de le savoir loin", regrette M. Karic, figure maladive et casquette bleue vissée sur la tête.

rus/cn/ros

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