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Espagne: premiers pas au Parlement de la loi restreignant la justice universelle

Espagne: premiers pas au Parlement de la loi restreignant la justice universelle

Les députés espagnols devaient décider mardi d'ouvrir le débat sur un projet de loi controversé visant à restreindre le concept de justice universelle, qui permet aux tribunaux d'enquêter sur des faits commis à l'étranger et a généré des tensions diplomatiques, notamment avec la Chine.

Critiqué par l'opposition de gauche et les défenseurs des droits de l'homme, qui accusent la droite au pouvoir de sacrifier ces droits aux intérêts économiques ou diplomatiques, le projet est défendu par le Parti populaire (PP), du chef du gouvernement Mariano Rajoy, majoritaire au Parlement.

La législation actuelle, qui permet aux tribunaux d'entamer des poursuites à l'international, par exemple sur des faits de génocide, "est pleine de promesses et génère de grandes attentes", mais "les années passent, cela n'aboutit à aucun résultat et de plus cela provoque des conflits" avec d'autres pays, a affirmé mardi le porte-parole du PP au Congrès des députés, Alfonso Alonso.

En vertu de ce principe la justice espagnole a lancé lundi un mandat d'arrêt international contre plusieurs ex-hauts responsables chinois, dont l'ancien président Jiang Zemin, dans le cadre d'une enquête ouverte pour "génocide" au Tibet dans les années 1980-90, provoquant l'irritation de Pékin.

Le projet vise à réduire au seul Parquet ou aux victimes la possibilité de saisir un juge espagnol pour qu'il enquête sur un délit commis hors d'Espagne, essentiellement dans les cas de génocide ou de crime contre l'humanité.

L'accusation populaire, une figure qui en droit espagnol permet à un particulier ou à une organisation non-impliquée ni victime dans une affaire de saisir la justice, ne pourrait ainsi plus déclencher une procédure visant des faits commis à l'étranger.

Le gouvernement "va priver de toute défense les victimes espagnoles qui se battent depuis des années", a dénoncé la porte-parole du Parti socialiste, d'opposition, Soraya Rodriguez.

Amnesty International et 16 autres ONG ont remis une lettre aux députés, leur demandant de rejeter le texte. Si celui-ci était voté, écrivent les ONG, "l'Espagne contreviendrait aux normes du droit international qui déterminent que certains crimes sont si atroces que les Etats ont l'obligation d'enquêter".

Pour l'opposition, l'adoption du projet aurait pour effet de laisser impunis des meurtres comme celui de José Couso, un caméraman espagnol tué en 2003 en Irak par un obus américain.

"Nous verrons si ce drapeau espagnol qu'ils exhibent (le gouvernement) va être remplacé par le drapeau américain ou chinois", a lancé mardi Javier Couso, le frère du caméraman. La justice espagnole a ouvert une enquête contre trois militaires américains dans cette affaire, l'une des douze en cours en vertu de la justice universelle.

L'enquête la plus retentissante fondée sur ce concept, lancée par le juge Baltasar Garzon, avait abouti à l'arrestation en 1998, à Londres, de l'ancien dictateur chilien Augusto Pinochet.

En 2005, le Tribunal constitutionnel avait entériné ce principe, l'élargissant aux cas où aucun Espagnol n'était impliqué.

Mais en 2009, sous le gouvernement socialiste, des frictions diplomatiques avec Israël, suivant une enquête lancée en Espagne sur les bombardements à Gaza en 2002, avaient débouché sur une première réforme limitant l'application de la justice universelle aux cas où les victimes étaient espagnoles ou à ceux où les suspects se trouvaient en Espagne.

Dans son projet, le PP explique vouloir "délimiter clairement (...) les cas dans lesquels la justice espagnole peut enquêter" sur des délits commis hors d'Espagne.

Dans les cas de "génocide, crime contre l'humanité ou contre les personnes et biens protégés dans les conflits armés", les tribunaux espagnols pourront agir à condition que la procédure soit dirigée "contre un Espagnol ou un citoyen étranger qui réside habituellement en Espagne et dont l'extradition aurait été refusée par les autorités".

Le texte est encore plus précis dans les cas de "tortures", pour lesquels l'action de la justice ne pourra être déclenchée qu'à condition que "la procédure vise un Espagnol" ou que "la victime ait eu la nationalité espagnole au moment des faits".

Les médias ont vu dans cette disposition un lien avec l'enquête sur le Tibet, puisque le plaignant est un Tibétain, Thubten Wangchen, nationalisé espagnol après les faits dénoncés.

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