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Scènes de tension et vie quotidienne au village libre du Maïdan

Scènes de tension et vie quotidienne au village libre du Maïdan

Une colonne de jeunes gens casqués, matraques de bois, boucliers métalliques et tenues de camouflage, traverse au pas de course la grande place de l'Indépendance pour rejoindre la barricade obstruant le boulevard Khrechtchatik, les Champs-Elysées de Kiev.

"Un groupe de +titouchki+ (gros bras soupçonnés d'être recrutés par le pouvoir) se dirige vers nous", explique un membre de l'autodéfense des contestataires, lisant un message sur sa tablette. "Ils disent qu'ils vont démanteler notre barricade".

Un groupe de jeunes "sportifs" descend effectivement une grande avenue vers le Khrechtchatik, un ruban orange et noir (symbole de la victoire soviétique sur les nazis) épinglé à la poitrine pour manifester leur orientation pro-russe.

Mais les défenseurs de la place de l'Indépendance, dite le Maïdan, bien plus nombreux, disposés en deux haies profondes de quatre ou cinq hommes devant la barricade, les attendent en agitant en l'air une forêt de bâtons et en faisant onduler leurs boucliers, alors qu'une camionnette du parti d'opposition Batkivchtchina (Patrie), munie de deux haut-parleurs, diffuse des chants patriotiques.

Les deux groupes se frottent légèrement, échangeant propos pro-européens et pro-russes, puis les sympathisants du pouvoir repartent comme ils sont venus.

La scène se déroule à la "frontière" du territoire contrôlé depuis plus de deux mois par les contestataires ukrainiens. A l'abri des barricades, une sorte de petit Etat a surgi, parfaitement organisé, entre un village de tentes et plusieurs grands bâtiments publics occupés. Avec une population permanente de près de 15.000 personnes, son gouvernement, sa police, forte de plusieurs centaines d'hommes, ses services de santé animés par des médecins volontaires...

"Nous avons créé nos services financiers, qui gèrent les dons de la population et ceux des partis d'opposition, notre propre contre-espionnage, nos cuisines et nos services de santé", raconte à l'AFP Bogdan Doubas, ex-banquier et commandant adjoint de la Maison des Syndicats qui abrite la direction du Maïdan. "Nous avons créé des bibliothèques et même des bains de vapeur, et organisons des cours d'anglais du soir pour nos gars", ajoute-t-il.

Sur la place même, derrière une cabane en bois, deux grandes cuves, placées sur un feu de bois, fument dans l'air froid. Plusieurs volontaires préparent de la soupe au lait et de la soupe aux pois, et proposent aussi du koulitch, un gâteau pascal traditionnel.

"Tout cela vient de dons qu'on nous envoie de toutes les régions de l'Ukraine", explique l'un des cuisiniers, "nous servons entre 500 et 2000 plats par jour et avons beaucoup de réserves".

Un bruit de haches ponctue ses paroles. Les militants de Pravy Sektor, un groupe nationaliste fort discipliné, coupent du bois pour alimenter leurs poêles, principal moyen de chauffage sur le Maïdan, toujours nimbé de volutes de fumée s'échappant de hauts tuyaux de fer au dessus des tentes.

De l'autre côté de la place, derrière le podium central et son écran géant où des discours politiques alternent du matin au soir avec du rap patriotique, se trouve un poste de la "3e sotnia", une des unités du service d'ordre.

Son jeune chef, qui indique avoir abandonné provisoirement ses études universitaires mais reste masqué et préfère ne pas donner son nom, dit commander en fait bien plus que la centaine d'hommes que compte une "sotnia" traditionnelle. Douze heures de service, douze heures de repos sous des tentes, sans armes, ils disent être mobilisés, mais n'avoir aucun problème pour maintenir l'ordre. "Il n'y a ni criminalité, ni alcool sur le Maïdan", dit le jeune homme en tenue de camouflage.

A deux pas de son poste, les Chevaliers de Malte ont installé une tente où une jeune beauté venue d'Ivano-Frankivsk dans l'ouest distribue 24 heures sur 24 thé et sandwiches au jambon. "Notre organisation internationale assure souvent des services médicaux, mais ici nous avons opté pour ce genre de service", dit-elle.

Effectivement, les services médicaux et les secours d'urgence sont garantis par trois postes médicaux du Maïdan où travaillent quelque 200 médecins volontaires, généralistes, anesthésistes et chirurgiens.

"Le MaÏdan est en train de devenir un symbole historique de Kiev, dit Bogdan Doubas, comme Big Ben à Londres, la Tour Eiffel à Paris ou la Statue de la Liberté à New-York".

via/neo/mr

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