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L'Allemagne se demande à quelle sauce manger les évadés fiscaux

L'Allemagne se demande à quelle sauce manger les évadés fiscaux

Faire payer jusqu'au dernier centime ou fermer un peu les yeux pour inciter à l'auto-dénonciation? Plusieurs cas médiatisés de personnalités détentrices de comptes bancaires cachés en Suisse ou ailleurs ont relancé cette semaine en Allemagne le débat sur la fraude fiscale.

Uli Hoeness, le président du club de football du Bayern Munich qui doit être jugé en mars lors d'un procès qui s'annonce emblématique, a été rejoint en quelques jours à la Une des journaux par une célébrissime féministe et quelques hommes politiques, des dossiers qui ont mis en lumière les divergences au sein de la jeune coalition gouvernementale conservateurs/sociaux-démocrates d'Angela Merkel.

"Oui, j'ai eu un compte en Suisse. L'an dernier, je l'ai signalé au fisc, j'ai payé les impôts sur les taux d'intérêt et fermé le compte", a avoué dimanche Alice Schwarzer, figure de proue du féminisme allemand. Si elle reconnaît une "erreur", la journaliste de 71 ans souligne que désormais "tout est légal".

Dans la foulée sont apparus deux autres cas, de responsables politiques cette fois. Mettant en difficulté le maire et chef du gouvernement régional de Berlin, le social-démocrate Klaus Wowereit, qui a admis avoir été au courant, le secrétaire d'Etat à la Culture André Schmitz a reconnu avoir transféré il y a quelques années plus de 400.000 euros d'héritage en Suisse, sans en payer les impôts dus à l'Allemagne.

C'est une somme du même ordre que le trésorier du parti conservateur CDU d'Angela Merkel, Helmut Linssen, a transféré du Luxembourg aux Bahamas puis à Panama. L'enquête fiscale ouverte à son encontre avait été abandonnée en 2012, les faits étant prescrits.

MM. Schmitz et Linssen ont fini par donner leur démission. Mais cette ribambelle de sommes à six chiffres ayant échappé au fisc a nourri le débat sur la tolérance à avoir pour les fraudeurs repentis, qui bénéficient d'une amnistie et ne doivent régler rétrospectivement leurs impôts que sur une période limitée, cinq voire dix ans.

Les sociaux-démocrates veulent limiter à ceux qui auraient omis "une bagatelle" la possibilité de se racheter une virginité fiscale en se dénonçant, et plutôt augmenter les enquêtes.

Les conservateurs et les ministres des Finances des Etats régionaux sont contre. "Je ne vois pas de raison convaincante pour l'abolition d'un tel instrument, mais on peut en durcir les conditions", tout en faisant attention de ne pas anéantir l'incitation à se dénoncer, a déclaré le ministre conservateur des Finances, Wolfgang Schäuble, au quotidien Frankfurter Allgemeine Zeitung.

"Perfectionner les règles" d'impunité des fraudeurs qui se dénoncent est d'ailleurs au programme de gouvernement négocié à l'automne entre conservateurs (CDU-CSU)et sociaux-démocrates (SPD). Une proposition doit être mise sur la table en mars.

Selon les données collectées par l'agence de presse DPA, plus de 26.000 personnes se sont dénoncées au fisc en 2013, un chiffre en forte augmentation. L'achat par certains Etats régionaux de CD volés de données bancaires a poussé nombre de fraudeurs à se mettre en règle.

"Je comprends que les ministres des Finances veuillent faire rentrer de l'argent, mais on doit aussi se soucier de la justice dans ce pays", a affirmé Thomas Oppermann, chef du groupe parlementaire SPD au Bundestag.

La Hesse par exemple, le Land où se trouve Francfort, a récupéré 588 millions d'euros l'an dernier grâce aux auto-dénonciations. La Bavière 230 millions d'euros.

"On fait de la fraude fiscale tant que ça va bien et puis quand ça bloque, on se dénonce", reproche M. Oppermann. Le cas de Mme Schwarzer a ainsi été montré du doigt: elle a reconnu détenir ce compte suisse depuis les années 1980, or elle n'a eu à payer que sur la période non-prescrite pour se mettre en règle.

Le débat a été également l'occasion pour sociaux-démocrates et conservateurs de ressortir les vieux dossiers du temps où ils n'étaient pas dans le même gouvernement. Un accord fiscal avec la Suisse avait été bloqué au Parlement par les sociaux-démocrates, qui le jugeaient trop conciliant avec les fraudeurs.

Depuis, l'Union européenne a fait de la lutte contre la fraude fiscale un cheval de bataille et espère inscrire l'échange automatique d'informations fiscales dans une directive cette année.

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